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Benjamin Stora: "on ne peut pas lutter contre l'intégrisme en s'attaquant à des textes vieux de quinze siècles"
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Benjamin Stora: "on ne peut pas lutter contre l'intégrisme en s'attaquant à des textes vieux de quinze siècles"

RCF,  -  Modifié le 27 avril 2018
Les éditions Belin viennent de publier un essai intitulé « Juifs et musulmans en France, le poids de la fraternité », corédigé par Ethan Katz, un chercheur américain.
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Dans cet opus, le coauteur s’attache à montrer la complexité des relations entre juifs et musulmans de France, dans la France coloniale, mais également dans la France contemporaine. Pour en parler, Stéphanie Gallet reçoit Benjamin Stora, historien, spécialiste de l’histoire du Maghreb contemporain, et président de la Cité de l’immigration. Il signe la préface de ce livre.
 

Une double résurgence antisémite

Récemment, une tribune publiée dans Le Parisien, signée par quelques centaines d’intellectuels, a créé la polémique en faisant part d’un nouvel antisémitisme qui serait dans le camp musulman. Pour Benjamin Stora, "s’il faut parler d’une résurgence de l’antisémitisme en France, encore faut-il préciser que cette résurgence vient à la fois des milieux intégristes musulmans, radicaux, mais aussi de l’autre côté, des intégristes dans des sphères de l’extrême-droite. Dans cet appel, il y a une sorte de déséquilibre et c’est dommage car ce texte met l’accent sur un problème bien réel".

Le lendemain de la publication de cette tribune, un autre texte était publié dans le quotidien Le Monde, signé par une trentaine d’imams dont Tarek Oubrou, le recteur de la mosquée de Bordeaux, qui reconnait une part de responsabilité. "Dans le monde sunnite, il n’y a pas de clergé à la différence du monde chiite. Les autorités théologiques religieuses musulmanes ne sont pas qualifiées pour parler au nom de l’ensemble de la communauté. C’est un premier point qui complique la représentation de l’islam de France.  Le deuxième point, c’est que ces imams ont condamné ces agissements faits au nom du Coran. Ces condamnations existaient déjà, mais elles n’avaient pas eu d’effets. Et cet antisémitisme a perduré chez certaines couches de la jeunesse musulmane en France" ajoute Benjamin Stora.
 

Une histoire commune très ancienne entre juifs et musulmans

Ce dernier avoue qu’il n’aurait pas pu signer la tribune du Parisien. "Il y a certains points qui me posent problème, comme notamment la demande de suppression de certains versets du Coran. Je ne crois pas qu’on puisse lutter contre l’intégrisme en s’attaquant à des textes sacrés vieux de quinze siècles, partagés par un milliard et demi de personnes" lance-t-il, rappelant qu’il existe dans d’autres textes sacrés, des passages défavorables aux juifs, et qu’il faut prendre en compte le contexte historique, et l’interprétation.

Les relations entre juifs et musulmans, en France, prennent véritablement naissance dans l’histoire coloniale de l’Hexagone. "Les juifs et les musulmans se sont côtoyés dans un espace français, au XIXème siècle. Il y avait de la circulation, de la convivialité, mais aussi des affrontements. Nous avons une histoire commune très ancienne. C’est toujours très important de connaître l’histoire des relations anciennes pour éviter de ramener le problème à une cause unique, qui serait la question religieuse" précise l’historien.
 

Tirer la sonnette d'alarme et montrer ce qui fonctionne

Benjamin Stora évoque également la nécessité de passer par un rassemblement démocratique, de tous les Français, quelles que soient leurs religions, pour régler le problème. "Je crois que la laïcité à la française peut permettre cela, encore faut-il bien l’analyser, la comprendre et l’appliquer. Il y a ceux qui ne respectent pas cette laïcité, qui professent un tout religieux dans l’espace public. On ne peut pas l’accepter. Il y a toute une série de personnes qui combattent cela, y compris dans les banlieues" explique-t-il.

L’historien rappelle qu’il y a des raisons de s’inquiéter. Mais il faut en parler non pas pour mettre de l’huile sur le feu, mais pour trouver des passerelles. "Nous devons tirer la sonnette d’alarme, mais pour dire qu’il existe des lieux de savoir, des lieux communs. Mais ce n’est pas en s’attaquant à une religion que l’on règlera les problèmes de citoyenneté" conclut-il.

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