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Ca plane pour moi
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Ca plane pour moi

RCF,  -  Modifié le 24 janvier 2018
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Ce matin j’ai mauvaise conscience. La semaine dernière, je suis allé à New York pour le boulot, et… j’ai pris l’avion ! Pouvais-je décemment me réjouir de l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes dans ces conditions ? N’étais-je pas l’un de ces bobos prompts à faire la leçon au monde entier sur leur vertu écologique tout en polluant sans vergogne la planète ? Possible…

Pour ma défense, depuis quelques années, je fais tout ce que je peux pour ne pas prendre l’avion : je propose des visioconférences au lieu des rencontres lointaines, j’essaie de voyager local pour les vacances, et pour aller à Rome ou à Berlin, j’ai choisi le train. Mais la question dépasse bien sûr ma petite personne. Alors : l’avion est-il compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique ?

L’avion ? Un faux problème, diront certains ! Il n’est certes responsable que d’environ 3% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Sauf que 3%, ce n’est pas rien (c’est autant que les émissions d’un pays comme l’Allemagne) et que les projections de développement du trafic aérien sont ahurissantes. On parle de le quadrupler d’ici 2050 !

Et puis, si on veut réduire l’empreinte carbone de l’humanité, c’est aux principaux émetteurs – c’est- à-dire les plus riches1 - de faire l’effort. Et chez eux, l’avion pèse lourd dans l’empreinte carbone. Concrètement, pour obtenir la neutralité carbone – l’objectif fixé par l’accord de Paris2 – il faudrait que chaque être humain émette au maximum 3 tonnes de CO 2 par an3 . Or j’ai fait le calcul4, mon Paris-New York aller-retour, c’est à lui seul une tonne de CO 2 . J’ai cramé un tiers de mon budget carbone annuel ! J’ai donc raison d’avoir mauvaise conscience, me direz-vous…

Mais… peut-on vraiment miser sur la conscience individuelle face au défi climatique ? Combien de tarés s’amusent, comme moi, à calculer leur budget carbone ? Non : l’enjeu est bel et bien politique. Renoncer à Notre-Dame- des-Landes c’est bien, mais pourquoi ne pas instaurer, par exemple, une durée minimale aux voyages en avion : pas moins d’une semaine pour un aller-retour en Europe, 3 semaines au-delà... On prendrait le temps de voyager ! Ou alors, un quota annuel de kilomètres avion que l’on pourrait cumuler d’une année à l’autre ?

Dans l’immédiat, j’aimerais que quelqu’un m’explique pourquoi le kérosène est exonéré de toute taxe, ce qui rend l’avion beaucoup plus compétitif que le train ou le bus. J’en appelle aux auditeurs : ne me laissez pas tout seul avec ma mauvaise conscience !

Notes : 
1- Les 10% les plus riches de la planète émettent environ 50% des gaz à effet de serre au plan mondial, selon l’étude menée par Thomas Piketty et Lucas Chancel à l’automne 2015.
2- La neutralité carbone correspond à une situation où l’humanité cesse de concentrer du CO 2 dans l’atmosphère au-delà de la capacité d’absorption de carbone par les arbres, les sols et les océans. Dans son article 4, l’accord de Paris vise « un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre ».
3- 2,9 tonnes selon Frédéric-Paul Piguet. Selon mes propres calculs, fondés sur les chiffres clés du climat 2017 (p.12) et une population mondiale de 7,5 milliards d’habitants, j’aboutis même à 2,4 t./hab./an.
4- Avec le calculateur du ministère de l’Ecologie, qui me semble plus fiable que d’autres sources qui tendent à minimiser l’empreinte carbone de l’avion.

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