De mes fenêtres, ou en allant remplir mon cabas dans la superette voisine, mon rapide bol d’air quotidien, je peux juste faire le constat que le BTP est effectivement à l’arrêt. Car les quelques nouvelles constructions d’immeubles d’habitations qui commençaient à prendre de la hauteur autour de chez moi, brillent par leur silence. J’ai même craint hier, en attendant patiemment mon tour pour entrer chez mon boulanger, que la grue du chantier à côté du pas de porte ne nous tombe sur la tête, tant elle tanguait sous les rafales de ce vent glacial qui a balayé l’Ile-de-France.
Alors les chantiers de restauration du patrimoine, j’ose à peine y penser ! Sauf, évidemment pour toute cette constellation de petits chantiers patrimoniaux, dont s’occupent des artisans isolément, et qui ne sont jamais complètement à l’arrêt. Du moins tant qu’ils n’ont pas à croiser leurs clients. Ce sont des micro-entreprises particulièrement fragiles, qui peuvent difficilement s’offrir un ou deux mois sans recettes, même s’ils reportent leurs charges d’un mois comme ils en ont le droit actuellement en raison du confinement.
C’est un peu la même situation chez les artisans d’art … Ceux qui avaient déjà des commandes, les honorent, c’est à peu près tout. J’ai des nouvelles de quelques uns d’entre eux via Facebook. Celles de Louis-Guillaume Pichaud, par exemple, installé en Charente, où il perpétue la tradition familiale d’orfèvrerie liturgique. Cet artisan talentueux utilise depuis longtemps les réseaux sociaux pour partager son art et ses créations. Dans l’un de ses derniers post, il publie des photos de son atelier désert. Les établis sont impeccables et les outils parfaitement rangés, ce qui n’arrive presque jamais chez un artisan. « Cette période un peu particulière de grand calme, où collaborateurs et stagiaires sont rentrés chez eux, me permet de me réapproprier mon atelier, dans le silence. Et de me dire que j'y suis plutôt bien », écrit-il en guise de légende.
D’autres nouvelles m’arrivent aussi par la Gazette du patrimoine, un journal numérique mensuel tout jeune, né en janvier dernier, et qui en est à son troisième numéro. Ce journal a été fondé par une véritable passionaria de la sauvegarde du patrimoine, Alexandra Sobczak, créatrice de l’association Urgences Patrimoine. C’est une affective, elle a son franc parler et ferraille tout azimut, ce qui ne lui vaut pas que des amis dans le petit monde du patrimoine. Dans l’éditorial de la dernière édition de sa Gazette, elle raconte qu’elle reçoit depuis la mi-mars des tombereaux de mails plus ou moins agréables, pour lui reprocher de s’occuper des pierres et pas des hommes, en ces temps d’épidémie. D’aucuns s’insurgent même que de l’argent puisse encore aller à la sauvegarde de monuments plutôt qu’aux hôpitaux. « La seule chose que nous pouvons faire pour aider ceux qui se battent 24 heures sur 24 pour sauver des vies, c’est de rester chez nous, répond t-elle en substance. Mais rester chez nous ne signifie pas rester inactif. Nous avons fait le choix de continuer à faire ce que nous savons faire : donner un avenir à des édifices qui seront source de travail pour des artisans qui sont aujourd’hui confinés chez eux, souvent sans ressources, et qui seront heureux de se remettre à l’œuvre dès que cela sera rendu possible. » Voilà qui résume bien les choses.
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