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Cristina Cattaneo, la légiste qui redonne un visage aux migrants morts en mer
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Cristina Cattaneo, la légiste qui redonne un visage aux migrants morts en mer

RCF,  -  Modifié le 10 septembre 2019
L’été a été rythmé par les errances de l’Europe en matière d’accueil des migrants perdus en mer, ainsi que par les troubles politiques en Italie.
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Le 3 octobre 2013, à Lampedusa, 400 Érythréens trouvaient la mort en mer. Une tragédie qui représente un avant et un après. "Après Lampedusa, on s’est aperçu que personne ne faisait rien. On n’identifiait pas les victimes. Il fallait faire absolument quelque chose. Il faut respecter le mort. Il y a des lois internationales. Il faut identifier le mort, l’enterrer. Il faut identifier les morts pour les vivants" explique Cristina Cattaneo, médecin légiste italien, professeur à l’Université de Milan, et directrice du laboratoire médico-légal Labanof.

Cette dernière vient de publier chez Albin Michel un ouvrage intitulé "Naufragés sans visages : donner un nom aux victimes de la Méditerranée". Un livre édifiant dans lequel elle raconte comment, avec une petite équipe, elle a mis en place tout un protocole pour identifier les corps des migrants retrouvés en mer, et donner un nom à ceux qui étaient enfouis dans les flots de "Mare Nostrum".
 

Un travail qui honore les morts, mais aussi les vivants

Cristina Cattaneo a mis en place un protocole avec son équipe pour identifier les morts. "C’est un protocole que l’on applique d’habitude pour une catastrophe comme un accident d’avion. Il faut pratiquer les autopsies, se mettre en contact avec les parents pour recueillir les données ante-mortem. La partie la plus difficile a été de se mettre en contact avec les parents. Le but était de démontrer que des parents cherchent leurs morts" explique-t-elle.

"On ne peut pas dire que ces morts sont plus importants que les autres. Mais là il y a une double insulte : aux parents et aux morts. Le fait qu’ils soient morts dans ces conditions, et que personne ne fait rien pour les identifier. Cette double insulte est quelque chose qui vous pousse encore plus" lance la médecin légiste.
 

"Ils sont exactement comme nous"

"Les cadavres racontent qui sont ces migrants. Les objets qu’ils portent dans leurs poches, les sachets de terre de leur pays. Ils racontent qu’ils sont exactement comme nous. Les objets sont un moyen pour nous de se rapprocher d’eux, et de comprendre qui ils sont. Il y a beaucoup d’histoires à raconter. Comme ces adolescents qui ont cousu dans leurs vêtements leurs bulletins scolaires. Cela donne l’esprit dans lequel ils partaient" se remémore la légiste.

Cette dernière conclut sur une histoire en particulier. Celle d’un petit bateau de pêche destiné à une quarantaine de personnes. Il en transportait presque mille. "On a trouvé 800 cadavres. Le bateau a été récupéré par le gouvernement de Renzi, un an après le naufrage. Même si la marine militaire avait récupéré des corps autour du bateau, un ou deux mois après le naufrage. On a travaillé durant trois mois dans une morgue créée par les pompiers, pour faire des autopsies. On a vraiment pu connaître cette situation. Quiconque voit cette chose comprend immédiatement ce qu’ils étaient en train de fuir", lance-t-elle, expliquant que désormais, c’est à l’Europe de se saisir de ce sujet.

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