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Denis Safran, médecin du Bataclan: "on n'est pas préparé à cela"
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Denis Safran, médecin du Bataclan: "on n'est pas préparé à cela"

RCF,  -  Modifié le 14 novembre 2019
C’était il y a quatre ans jour pour jour. La France subissait la plus meurtrière attaque de son histoire, celle du 13 novembre 2015.
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Le Stade de France, les cafés parisiens du 10ème et 11ème arrondissements, et la salle de concert du Bataclan sont encore marqués de la mort de nombreux innocents, en ce soir du 13 novembre 2015. Ce soir-là, 131 personnes vont tomber sous les balles des terroristes djihadistes, et plus de 400 autres seront blessées.

Quatre ans après, c’est un grand médecin, comme on parlerait d’un grand flic, qui est l’invité de Stéphanie Gallet. Le professeur Denis Safran est l’un des premiers à être entré dans la salle du Bataclan, alors qu’il occupait le poste de médecin-chef de la BRI, la Brigade de Recherche et d’Intervention, la force d’intervention policière qui a investi le Bataclan, et neutralisé les deux terroristes qui s’y trouvaient.
 

Une médecine de guerre, primitive

"En 2015, j’étais médecin de la BRI. Et lorsque la BRI a été sonnée, je me suis rendu avec mes camarades au 36 quai des Orfèvres, et j’ai intégré ma colonne d’assaut. Nous étions précurseur. […] La fonction d’un médecin dans une colonne d’assaut est de prendre en charge sans délai tout policier de cette colonne qui serait blessé, de façon à minimiser les conséquences, à faire les premiers gestes de survie, et de déclencher la chaîne de secours" explique le professeur Safran, aujourd’hui conseiller santé en sécurité intérieure auprès du ministère de l’Intérieur.

Quand il pénètre dans le Bataclan, ce dernier n’imagine pas que ce n’est pas aux policiers qu’il s’apprête à porter secours. Sur place, "on fait de la médecine de guerre. On pratique les soins les plus urgents, les soins de sauvetage les plus primitifs. Très rapidement, devant le nombre de blessés, l’objectif est de réaliser l’extraction des blessés pour qu’ils soient pris en charge dans les délais les plus brefs par les services de secours qui sont au-delà du périmètre de sécurité".
 

"Il n'y a pas d'émotion, on se met au travail"

Dans un tel contexte, il faut garder la tête froide, agir rationnellement. Et même si les hommes de la BRI sont entraînés, sont formés, comme le dit le professeur Denis Safran, "on n’est pas préparé à cela. Quand on est réanimateur, les réflexes prennent le dessus. On n’a pas d’état d’âme. Chacun réagit différemment. Ce qui me frappe, c’est la jeunesse des victimes. En ce qui me concerne, il n’y a pas d’émotion. On se met au travail. On ne réfléchit qu’aux gestes qu’on doit faire dans ce moment où règne le chaos".

Le professeur Safran préfère aujourd’hui laisser tout cela derrière lui. "Il nous faut regarder l’avenir. On participe à chacune des cérémonies, et nous rencontrons des victimes, qui ont le souvenir de nous avoir vus, et qui ont envers nous des réactions extrêmement chaleureuses et touchantes. À ce moment là, il y a de l’émotion en effet" lance-t-il, reconnaissant tout de même que cet épisode fait partie de sa vie.
 

Un réalisme sur la nature humaine profonde

Travaillant désormais pour le compte du ministère de l’Intérieur, en tant que conseiller santé en matière de sécurité intérieure, le professeur Denis Safran explique qu’aujourd’hui, les autorités sont mieux préparées pour réagir à ce genre d’attaques. "Nous étions peu préparés à cette époque. On pouvait difficilement imaginer ce type d’action. Néanmoins, l’organisation s’est mise en place. Bien entendu, après ces opérations, nous avons eu des retex, des retours d’expérience, ainsi que des décisions politiques et techniques, pour s’adapter à ce type de crise" lance-t-il.

Cette violence gratuite contre des innocents, Denis Safran y est habitué. De par son métier si particulier, et par son histoire personnelle. Ses grands-parents juifs ne sont jamais revenus des camps de la mort nazis. "Je ne fais pas de liens. J’ai acquis une certaine philosophie dénuée de tout angélisme, avec un certain réalisme sur la nature humaine profonde. Je pense qu’il y a une violence intrinsèque, qui se déchaîne à certains moments, avec des boucs émissaires. Tout est malheureusement un continuum" analyse-t-il.
 

"J'ai fait mon boulout parce que je l'aimais"

"J’ai passé toute ma vie dans le service public. Je n’ai jamais exercé d’activité privée. On pourrait appeler ça une vocation, mais je n’aime pas beaucoup ce mot-là. C’est un métier qui m’a passionné, au service des autres. J’ai fait mon boulot parce que je l’aimais. Peut-être que quelque part j’aime les gens" conclut le médecin du Bataclan.
 

 
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