Dieu nous rejoint dans nos humiliations

Les personnes fragiles, pauvres, exclues, souffrent souvent d’être humiliées. Quelque chose qu’on ne veut pas trop entendre. C’est pourtant dans nos humiliations que Dieu nous rejoint. « Si tu savais tout ce que l’homme peut dire à Dieu lorsque la chair de l’homme devient cri ». Cette phrase puissante est du poète Milosz. C’est le Père Christian Mahéas, aumônier de l’OCH, qui la cite. C’était en juillet dernier, à Paray-le- Monial. Il invitait ainsi les deux mille participants de la session coorganisée par l’OCH, à entendre le cri des personnes malades ou handicapées et de leurs familles. « Les prophètes de notre temps, dit-il, ce sont ceux qui n’ont plus que leur cri à nous proposer, et parfois c’est un cri silencieux que l’on n’entend pas ».

Les personnes handicapées sont des prophètes, car, dit-il « elles viennent révéler le cœur de Dieu ». Un cœur qui aime de façon inconditionnelle, qui nous rejoint chacun dans nos humiliations, qui nous en relève, et qui nous envoie au monde pour dire la beauté et la valeur inaliénable de toute personne. C’est exactement ce qu’a vécu la petite Bernadette Soubirous à Lourdes.

Et Bernadette était une femme humiliée. En mauvaise santé, asthmatique, ignorante, on lui refuse la première communion parce qu’elle ne retient pas son catéchisme. A la maison, c’est la misère. Son père est ruiné. On l’a faussement accusé d’avoir volé, on l’a jeté en prison. Alors, pour aider ses parents, Bernadette ramasse du petit bois pour chauffer la maison et fait du ménage dans une famille pour
ramener un peu d’argent. Bernadette était une jeune femme humiliée au cri silencieux.

C’est que la Sainte Vierge l’a rejointe et convoquée dans le lieu même de son humiliation, une grotte humide, elle qui est asthmatique, un lieu impur, normalement réservé aux cochons. « Voulez-vous me faire la grâce de venir ici ? ». Par ces mots plein de respects, Bernadette s’est sentie relevée de son humiliation : « Elle me regardait comme une personne qui parle à une autre personne » a-t-elle pu dire. Quelle phrase magnifique dont nous pouvons tous nous inspirer dans nos relations !

Marie ne fait pas que la relever de son humiliation. Elle va plus loin encore… Elle l’envoie en mission, et quelle mission !  « Allez dire qu’on construise ici une chapelle et qu’on y vienne en procession ». Quand on voit les dizaines de milliers de pèlerins qui se sont encore pressés le 15 août dernier devant cette grotte, quelle fécondité ! C’est ce qu’a dit à sa manière le Père Mahéas : « Mystérieusement, le cri
silencieux des personnes avec un handicap va déplacer des montagnes. »

Dans notre monde si individualiste, sous la tyrannie de la performance et de la normalité, on imagine les montagnes que les personnes handicapées peuvent déplacer pour nous mettre dans des rapports plus apaisés, plus fraternels, plus libres… Si nous écoutons leur cri !