Gouvernement, de la voiture à la politique !

Gouvernement, voilà un mot qui n’est pas anodin dans une République, et de fait on en attend régulièrement la composition au début d’un mandat comme en cours de mandat. Voici donc de nouveau le mot à l’honneur.

En 1680 notre premier dictionnaire de langue française, le Dictionnaire françois de Richelet, en parle. Cela ne manque pas de charme si l’on relève justement l’exemple offert pour le verbe gouverner, alors défini comme étant le fait d’« Avoir le soin et la direction de quelque chose que ce soit », définition qui reste valide. Quel est donc l’exemple proposé ? « Comment gouvernez-vous Monsieur un tel ? » Il s’agit bien là de fait d’un questionnement de constante actualité, auquel un Président est en permanence censé répondre.

Ce qui on le comprend suppose prudence et clairvoyance, puisqu’il faut pour ainsi dire commenter en direct le gouvernement de la barque qui vous a été démocratiquement confiée. Savoir gouverner sa barque, c’est d’ailleurs une des rares expressions qui intègre le mot gouverner. Or, elle est étymologiquement éloquente, car le verbe gouverner vient du latin gubernare, lui-même issu du grec kuybernân, désignant le fait de « diriger une embarcation, un navire », d’où le gouvernail.

Au reste, à la fin du XVIIe siècle, en 1689, on pouvait encore gouverner une voiture… à cheval. Il a fallu en réalité attendre la Renaissance pour que le mot prenne une dimension politique en désignant la structure dirigeant un État, puis le pouvoir ayant cette responsabilité. En fait, ce mot en désignant aussi une conduite de vie, se retrouve dans notre intimité même. On se souvient de Montaigne déclarant à tort : « Je me détourne volontiers du gouvernement de ma maison ».

L’Abbé Girard, auteur de notre premier dictionnaire de synonymes, nous éclaire à ce sujet. Il avait choisi en effet le mot gouvernement pour bien distinguer les synonymes habileté, adresse et dextérité. « Pour former un gouvernement avantageux à l’État », déclare-t-il donc en 1736, « il faut de l’habileté dans le prince ou dans ses ministres ; de l’adresse dans ceux à qui l’on confie la manœuvre du détail, et de la dextérité dans ceux à qui l’on commet l’exécution des ordres. » Aucun doute, c’est un beau programme ! Eh bien nous voilà donc embarqués, gouvernés, il ne reste plus qu’à bien ramer.