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It must be heaven : une fable poétique
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It must be heaven : une fable poétique

RCF,  -  Modifié le 4 décembre 2019
Un film co-produit par 6 pays différents, du Qatar au Canada en passant par la France
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Le titre est en anglais IT MUST BE HEAVEN (qu’on peut traduire par « ça doit être le paradis ! »). Et son réalisateur, Elia Suleiman, est aussi un monde à lui tout seul : il est palestinien, né dans une famille chrétienne, à Nazareth, ville israélienne, et il a vécu entre Paris, New York et Jérusalem !

De quoi s’interroger dans tous ses films sur la notion d’identité, de terre et de nation ! Ce qu’il fait depuis 1996 sous forme de fables burlesques et poétiques, proches du cinéma muet, dans une succession de saynètes du quotidien, souvent drôles, caustiques et extra-lucides.

Dans son nouveau film It Must be Heaven son héros quitte Nazareth pour Paris puis New-York : le film commence d’abord par un prologue aussi énigmatique que drôle.
Une procession de chrétiens orthodoxes descend en chantant dans un tombeau, se heurte à une porte - symbolisant la victoire du Christ sur la mort -, elle est fermée de l’intérieur par des gardiens, le pope commence alors à négocier, puis il passe par le côté, défonce la porte, et la procession reprend !

Puis on retrouve Elia Suleiman dans sa maison familiale de Nazareth qu’il quitte effectivement, lassé de voir son voisin cueillir ses citrons ! Il part alors à la recherche d’une terre plus accueillante et aussi de financements pour son prochain film.

Comme à son habitude, Suleiman met en scène son double à l’écran, qu’on compare un peu trop facilement à Jacques Tati ou à Buster Keaton à cause de son chapeau.

Il est plus une sorte de clown ébahi, qui observe de ses yeux tristes des scènes parfois hilarantes. Comme par exemple, à bord de l’avion qui l’emmène vers Paris, où il semble le seul à ressentir les fortes secousses, tandis que l’équipage et les autres passagers restent tous absolument impassibles.

Son cinéma est donc résolument politique ; il y dénonce la violence de nos sociétés et l’égoïsme de nos contemporains, sous une forme à la fois absurde et métaphorique.

Le Paris qu’il filme ensuite, est une ville désertée, où l’on croise plus de policiers que d’habitants et où il assiste à une succession de défilés, de mode, de tanks, de chevaux. Quant à New-York, les armes et les check-points y sont omniprésents. Une manière de nous dire qu’il y a de nombreuses « Palestine » dans le monde aujourd’hui !

Ce qui frappe le plus dans le cinéma d'Elia Suleiman, c'est l'absence de dialogues. Oui quitte à décontenancer parfois ou à nous maintenir un peu à distance de son propos.

Et en même temps, c’est ce qui lui donne sa force et son universalité. Il utilise les mots pour leur rythme, leur musicalité mais pour faire avancer le récit, il préfère l’image.

Et ce que Suleiman nous montre par ses cadrages millimétrés, ses regards, ses silences, seul le langage cinématographique peut l’exprimer. Et il en dit beaucoup plus long sur l’état du monde que le flot des actualités médiatiques.

Alors Paris n’est peut-être pas le paradis mais le cinéma d’Elia Suleiman lui, n’en est pas loin !

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