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Jacques Semelin : "les catholiques ont joué un rôle dans le frein à la Shoah"
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Jacques Semelin : "les catholiques ont joué un rôle dans le frein à la Shoah"

RCF,  -  Modifié le 26 janvier 2018
Samedi 27 janvier prochain, le monde célébrera la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, et à la prévention des crimes contre l’humanité.
Jacques Semelin - DR Jacques Semelin - DR

Holocauste, Shoah. Deux mots largement entrés dans le vocabulaire courant. Pour autant, y-a-t-il un terme qu’il faut privilégier plus qu’un autre, lorsque l’on parle de l’extermination des juifs par l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre Mondiale ? "Holocauste est un terme qui vient des Etats-Unis, d’une série télévisée. Shoah est un terme qui vient de l’hébreu et qui a été proposé par Claude Lanzmann. Shoah me semble mieux" rappelle Jacques Semelin, directeur de recherche au CNRS, enseignant à Sciences Po, spécialiste des génocides.

La Shoah, "le trou noir de l'humanité"

La Shoah, un moment "unique" dans l’histoire de l’humanité. "C’est tout un continent, l’Europe, qui est concerné. C’est un projet mondial. Les Nazis ne veulent pas qu’attraper les juifs européens, mais plus largement à l’échelle mondiale. C’est un cas unique, à ma connaissance" ajoute Jacques Semelin. Avant et après la Shoah, il y a eu d’autres génocides. Mais la Shoah est plus singulière. "Il y a le cas du génocide arménien, qui est reconnu maintenant, il y a eu beaucoup de massacres dans l’histoire. Ce qui caractérise la Shoah, c’est la volonté d’utiliser des techniques incroyables, de façon industrielle, pour exterminer les gens. Ce sont des civils. C’est une civilisation du processus de destruction" précise l’historien.

En matière de massacres, depuis quelques années, c’est Daech qui a fait la Une de l’actualité. "Le problème, c’est la passivité de la communauté internationale face à ce type de crime. C’est notre responsabilité d’avoir laissé faire, en vivant avec cette horreur. C’est une réalité constante. Je pense toujours à cette phrase de Tacite : quelques-uns l’ont voulu, d’autres l’ont fait. Tous ont laissé faire" précise-t-il, évoquant par ailleurs cette phrase Bernard Kouchner : "s’il y avait eu des caméras à Auschwitz, les massacres aurait été arrêtés". "Non", répond à cela Jacques Semelin, à l’aune de l’actualité la plus récente, celle de l’organisation Etat islamique.

70 ans après la Shoah, Jacques Semelin rappelle qu’il faut encore parler de ces crimes. "Ces crimes sont le trou noir de l’humanité. C’est une manière de réfléchir sur notre propre barbarie. C’est une manière de vouloir éduquer les jeunes dans un sentiment de responsabilité par rapport à ceux qui se sont battus pour limiter la dimension de ces crimes. C’est une responsabilité collective qui pèse sur nos épaules" plaide-t-il notamment.

Les catholiques n'ont pas conscience de leur rôle dans le frein à la Shoah

L’historien rappelle le rôle des catholiques dans le combat contre ce massacre. "Je fais beaucoup de conférences et je m’aperçois que les catholiques sont toujours culpabilisés. Pourtant ils ont aidé. Les deux premières années, l’Eglise catholique a fait silence, mais il y a quatre années dans l’occupation en France. Il y a le rôle de Témoignage chrétien en novembre 1941 qui titre à la une "France prends garde de perdre ton âme"" cite-t-il notamment.

Avant d’ajouter : "Et puis il y a la lettre publique de Mgr Saliège, un évêque infirme qui va porter une parole publique : "les juifs sont des hommes, les juifs sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangers sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux". Ce texte devient le texte le plus diffusé par la presse clandestine en 1942. Il est lu à la BBC. Il se retrouve dans le New York Times, dans le Times à Londres. Est-ce-que les catholiques ont conscience de l’importance de cette parole ? Non".

Pour conclure, l’historien lance un appel. "Aujourd’hui il faut résister à la tyrannie, à la barbarie, se mobiliser pour l’accueil. Il y a toute une tradition de l’accueil qui en France date non seulement de cette période-là, mais même avant. Il y a des associations laïques et catholiques qui se battent pour accueillir des immigrés, et cela se fait dans la continuité" conclut-il.

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