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La bourde de Paris Match
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La bourde de Paris Match

RCF,  -  Modifié le 7 décembre 2018
David Groizon revient sur la une de Paris Match sur les gilets jaunes qui représente un militant antisémite.
Emma Prosdocimi / SIPA Emma Prosdocimi / SIPA

Pour parler des gilets jaunes, j’ai acheté Paris Match hier soir à la gare. Le poids des mots, le choc des photos. Je me suis dit qu’ils auraient sélectionné eux, les meilleures photos des manifestations. La rédaction y consacre d’ailleurs 22 pages. Cela leur permet d’ailleurs d’éviter pas mal de pièges, de montrer le mouvement sous toutes ces facettes.

On y voit des gilets jaunes qui protègent la flamme du soldat inconnu – l’esprit de responsabilité. On y voit des femmes, des mères de famille qui distribuent des bonbons sur le bord de la route avec un homme déguisé en père noël – la convivialité, la jovialité. On a aussi des photos de violence, bien sûr : un homme qui se prend en photo devant une voiture qui brûle, des manifestants qui attaquent des gendarmes mobiles sans retenir leurs coups. Et enfin, le président Macron, passant tête baissée devant une carcasse de moto brûlé… Il y en a pour tous les goûts. Les gilets jaunes pourraient en prendre certaines pour en faire des posters, et dénoncer les autres comme des amalgames stigmatisant.
 
Sur la couverture. Je ne me suis pas foulé… Non, je rigole… Mais la Une d’un magazine, c’est forcément un choix particulier. C’est le lieu des photos iconiques, emblématiques. Et là, Paris Match semble avoir choisi une certaine forme d’apaisement, d’empathie avec les manifestants. Au premier plan, deux hommes. A gauche, un gilet jaune. Il a les cheveux courts, une casquette, un blouson bleu. Il tend la main comme pour dire stop. Pour arrêter un geste, une main tendue. C’est étonnement celle d’un gendarme mobile. Il a un gilet pare-balles, des mousquetons, une poche révolver. Un casque sur la tête, avec une visière transparente. On voit du coup son regard, sa bouche. Il est ouvert, prêt à la discussion. Au dessus d’eux, un grand drapeau bleu blanc rouge, et derrière, l’Arc de Triomphe. Paris Match a refusé le spectaculaire, la fascination du feu. Le magazine a choisi une photo symbolique. Il a ajouté d’ailleurs un titre, qui fait presque office de légende à la photo : le gouvernement tend la main.
 
Cela semble astucieux. C’est le lieu des affrontements – l’Arc de Triomphe à Paris -  mais une scène calme. Cela permet d’incarner une certaine objectivité – et on voit bien sur Facebook, que tout le monde n’est pas convaincu par la neutralité des journalistes...
 
Mais il y a un gros problème. Ce gilet jaune n’est pas un manifestant comme les autres. C’est Hervé Ryssen, un militant de l’ultra-droite, antisémite, négationniste, - il a fait de la prison pour ça – il est partisan de la violence extrême. Alors évidemment, les indignations sont venues de toutes parts. Contre les gilets jaunes qui accueillent en leur sein un tel individu. Contre le média qui choisit de le mettre en Une. "Consternant", réagit la ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.

Le directeur adjoint de la rédaction Régis Le Sommier a répondu : "on ne connaissait pas du tout ce personnage, que nous avons pris pour un gilet jaune. On a trouvé que cette couverture était représentative". Puis, c’est le directeur tout court, Olivier Royant, qui a complété : "les dizaines  de photojournalistes engagés sur le terrain, en raison des conditions extrêmement difficiles, n’étaient pas en mesure de recueillir l’identité, encore moins les arrière-pensées des manifestants. Cette photographie fortuite révèle néanmoins l’infiltration du mouvement des gilets jaunes par les extrêmistes, notamment, de l’utra-droite". Que la photographe Emma Prosdocimi ne l’ait pas reconnue… Bon. Mais que l’agence SIPA qui diffuse cette image ne l'aipas identifié. Que les journalistes qui l’ont sélectionné n’est pas fait attention, c’est plus problématique. Cela fait mal.

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