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La greffe et le visage
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La greffe et le visage

RCF,  -  Modifié le 1 mai 2018
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Dans le métro, je croise un visage : il me semble le reconnaître, mais je ne suis pas sûre, et je ne veux pas déranger un inconnu plongé dans sa lecture. Est-ce lui ? Non, ou alors il aurait bien changé ! Mais tant d’années ont passé. Bref, le temps de mon petit cinéma et la personne s’est échappée à la station précédente !

Le visage. Si nous avons longuement discuté, au long des siècles, sur les reins, le cœur, le cerveau, comme centre de la décision, de la volonté, de l’identité humaine, nous sommes aussi intrigués, fascinés, par le visage. Car il raconte la singularité, la vulnérabilité, la beauté inaliénable car intérieure de quelqu’un. Reconnaître un visage comme on identifie une voix, un parfum, une démarche. Et nous savons notre souffrance quand le visage d’un être aimé s’efface de notre mémoire. La manifestation du visage symbolise l’humanité de l’homme, là où je suis responsable car le visage est sans défense. Je dois répondre de lui, le protéger. Tel est ce qui fait mon humanité.
 
Il y a quelque temps, à l’hôpital G Pompidou à Paris, un homme a été greffé du visage pour la deuxième fois, après le rejet de la première greffe. Face défigurée « inenvisageable », plaie béante qui interdit de retrouver les traits, le sourire, de son conjoint, de son père, de son fils, de son ami. Tenter de redonner des traits humains à qui ne peut plus se reconnaître sans terreur, est une responsabilité à peser. Mais prenons garde. Il ne s‘agit pas de plaquer un visage, à savoir celui du donneur. Non, mais à partir du greffon, de dessiner la possibilité du visage. Car le greffon lui, est un intrus, comme l’a écrit avec une grande profondeur le philosophe Jean-Luc Nancy, greffé du cœur.
 
Le visage naîtra alors des traits reconstitués. Il se tissera entre la peau du donneur et l’histoire du receveur. Il sera fait du visage qu’avait le donneur, mais aussi de l’attention, de la reconnaissance, de l’amour que vivra le receveur. Cela impose qu’il n’y ait pas regard voyeur. Avec pudeur, favoriser l’unité, pour que la personne fasse advenir son propre visage. Il deviendra alors sa chair, là où se mêlent désirs et mémoires, douleurs et affections. Humanité éprouvée autant que consolée.

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