Le combat pour l'égal respect, par Véronique Margron

"Le dernier trimestre 2017 fut secoué par les conséquences des révélations concernant les mœurs scandaleuses du producteur de cinéma Harvey Weinstein, accusé d’agressions sexuelles, harcèlements et viols répétés. Sur le réseau social Twitter, le hashtag #BalanceTonPorc et celui, moins cru, de #MeToo (#MoiAussi) a soulevé de nombreuses polémiques - jusqu’à la tribune, à mon sens méprisante et hors sol, publiée dans le journal Le Monde lundi dernier, sous la signature entre autres de Catherine Deneuve et de l’écrivaine Catherine Millet, revendiquant «le droit à être importunées».

Pourtant, l’ampleur du phénomène - les dizaines de milliers de prises de paroles - a obligé à ouvrir les yeux sur ce point aveugle de nos sociétés. Nous savions, ou soupçonnions, que tout ce qui touche à la domination et qui s’exprime par des paroles blessantes et violentes, des incivilités, puis des abus allant jusqu’au crime, est hélas d’une grande banalité et fréquence. Et cela dans toute la vie sociale, au travail, en famille, dans les transports, etc.

Autant de douleurs, de sentiments de honte, de peur qui ne pouvaient souvent qu’être tus ou dissimulés. La grande anthropologue Françoise Héritier, décédée en novembre dernier, disait quelque temps avant : «Ce mouvement est formidable. Que la honte change de camp est essentiel. Et que les femmes, au lieu de se terrer en victimes solitaires et désemparées, utilisent Internet pour se signaler et prendre la parole me semble prometteur. C’est ce qui nous a manqué depuis des millénaires : comprendre que nous n’étions pas toutes seules !»

Oui, nous voudrions croire que «plus rien ne sera comme avant». Croire qu’un double mouvement se crée : d’une part celui qui permettra aux personnes agressées de mieux se défendre et trouver les chemins de la justice. Et d’autre part celui qui forcera ceux qui sont tentés d’abuser à se retenir, à se comporter en humain en relation avec un autre humain, de même dignité et intégrité et qui intime le respect.

L’engagement pour une authentique égalité et la lutte contre les violences sont encore des chantiers. Au-delà de l’impérieux labeur pour toutes nos institutions, que les uns et les autres nous nous engagions à rendre nos mœurs plus conformes au respect et à la civilité.

Espoir alors non seulement pour les femmes, mais pour tous les hommes qui les respectent, les honorent et les aiment d’un amour qui jamais ne méprise."