Les élections au Congo dans l'obscurité

Le 30 décembre dernier, les Congolais ont voté. Mais depuis on attend le résultat des votes. Joseph Kabila est resté au pouvoir 18 ans. Ces élections ont longtemps été retardées. Et donc depuis une semaine, on attend, en craignant les fraudes, les débordements… Pas bon signe : au lendemain du scrutin, le pouvoir en place a fait coupé les réseaux Internet sur l’ensemble du territoire de la République démocratique du Congo. Les SMS ne passent plus. Officiellement, pour éviter la propagation de rumeurs et le chaos. Comment raconter ce moment, cet espace hors-du-temps, cette suspension entre le vote et la proclamation des résultats en image ? Et bien, une photo de John Wessels, un photographe basé à Kinshasa y arrive parfaitement.

C’est une photo où le noir domine. On est dans l’obscurité. Mais au centre de l’image, deux points lumineux éclairent un bout de la scène. Une lampe toche dans la main d’un homme soucieux, et une lampe tempête posé sur une table. A côté de la lampe tempête, on voit une urne, encore pleine. Elle semble en plastique, un peu molle. Transparente : on repère des bulletins à l’intérieur. La lampe torche, elle, forme un autre halo : on y devine la figure d’un homme qui porte une belle chemise, un dossard bleu. Il a un stylo à la main, il semble signer un registre, tenir des comptes. Et derrière lui, on devine un panneau, sur fond blanc, ce sont les frontières de la République du Congo qui se dessinent, en bleu avec un ruban rouge et une étoile. Les motifs du drapeau national.

C’est une photo qui a été prise le soir du scrutin. Au moment de la fermeture des bureaux de vote. Mais à ce moment-là, la photo n’avait pas sa raison d’être. Médiatiquement, on a retenu plutôt les images de Congolais et de Congolaises en train de voter, de faire la queue ou de glisser un bulletin dans l’urne. La population s’est massivement mobilisée pour cette élection : c’est ça qu’on a d’abord voulu montrer. Mais aujourd’hui, cette photo prend toute sa force. Car évidemment, cette absence d’électricité au plafond, renvoie à une autre coupure plus symbolique, plus difficile à incarner visuellement : la coupure des réseaux sociaux, des moteurs de recherche, des alertes sur les téléphone. Même la radio RFI a été coupée dans 5 villes dont la capitale. Plus d’Internet et c’est un pays entier qui est plongé dans une obscurité symbolique.

Autre aspect de cette image, cet homme soucieux semble absorbé à sa tâche. Il prend très au sérieux les résultats de SON bureau de vote. Les observateurs s’interrogent eux sur l’ensemble du scrutin, ils redoutent les fraudes, les bulletins favorable au pouvoir en place venus de nulle part. Le Congo n’a jamais connu de transmission de pouvoir pacifique. Mais cet homme semble absent au monde, absorbé par ce qu’il sait être juste. Vérifier les votes de cette urne là, les listes d’émargements qui lui ont été confié à lui. Et sa petite lampe torche, bah c’est finalement la petite lumière d’espoir. Celle d’une proclamation des résultats à la régulière, et une transition qui puisse se faire dans la douceur.