Ce jeudi commence au Vatican un grand sommet international sur la protection des mineurs, et depuis Rome le Grand Invité est Stéphane Joulain, prêtre psychothérapeute. Il travaille depuis des années sur la prévention des abus sexuel, l’accompagnement des victimes mais aussi le traitement des abuseurs. Il a publié l’ouvrage Combattre les abus sexuels des enfants (éditions Desclée du Brower).
Pour Stéphane Joulain "l’Eglise, partout dans le monde, est concernée par cette question de la pédophilie". En revanche "la prise de conscience n’est pas encore faite de la même façon par tous. Dans certains pays on en est encore loin. Le déni ou l'engluement dans un certain nombre de problématiques empêchent de prioriser ce problème". Selon lui il faut que les évêques "prennent conscience qu’il y a une problématique systématique des abus et qu’il faut trouver les problèmes ensemble, pour éradiquer ce fléau du cœur de l’Eglise". Stéphane Joulain pense que la responsabilité de l’institution ecclésiale réside "dans le traitement du problème, l’écoute des victimes, les mesures prises ou non pour protéger les enfants. Tout un travail doit se faire sur la responsabilité".
Le Pape François avait dénoncé le cléricalisme il y a quelques mois, l’abus de pouvoir par un corps institué, et pour Stéphane Joulain dans la pédophilie il y a la fois "abus du corps de l’enfant et de sa confiance". "Le pouvoir permet de donner au prêtre un accès aux enfants. Ces hommes se sont sentis légitimés dans leur appétence sexuelle". Par rapport au cas du cardinal américain renvoyé de l'état clérical par le Pape suite à des soupçons d’abus sexuels, c’est pour Stéphane Joulain un "signal fort qu’a voulu envoyer le saint père avant le sommet. Ni le violet ni le rouge ne protège lorsqu’on a commis un crime sur un enfant".
Le sommet sur la protection des mineurs qui s’ouvre au Vatican sera ponctué par des témoignages de victimes. "Des progrès sont faits, mais les victimes seront présentes seulement sous forme de vidéos. Ce n’est pas la même chose que de rencontrer les personnes. Ma crainte, c’est que l’impact soit anesthésié" déclare Stéphane Joulain.
La question des réparations financières est une "grande peur" pour les évêques français, notamment par rapport à se qui se passe aux Etats-Unis. "Dans la culture française les questions de monétisation ne sont pas traitées de la même façon, mais elles sont importantes pour les victimes. Dans le symbolique quelque chose se répare" explique le prêtre.
La pédophilie dans l’Eglise reste un "angle mort de la recherche en théologie" : "il faut que la théologie accepte de sortir d’une position dogmatique pour aller vers une théologie pratique. Partir de l’expérience de victimes pour y réfléchir avec la lumière de la foi". Pour Stéphane Joulain "il ne peut pas y avoir de pardon sans justice, et il ne faut pas confondre pardon et réconciliation".
Suite à ce sommet, Stéphanie Joulain espère "une prise de conscience des évêques de l’urgence de travailler avec les victimes sur des solutions". Et sur la question difficile de comment continuer à faire confiance à l’Eglise, Stéphane Joulain met en garde contre "l'effet de loupe" sur le côté minoritaire de ce problème, "l’effet traumatique donne une impression que les prêtres sont tous pourris, alors que la réalité des chiffres dit tout à fait autre chose".
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