"Sans Anne, peut-être n’aurais-je jamais fait ce que j’ai fait. Elle m’a donné le cœur et l’inspiration." Ces mots sont du général de Gaulle lui-même à son biographe, Jean Lacouture. Anne ? C’est donc sa fille trisomique. En voyant le film "De Gaulle", de Gabriel Le Bomin, on découvre, non sans émotion, l’amour inconditionnel, empreint de tendresse et de respect, que Charles et Yvonne de Gaulle portaient à cette enfant bien fragile, Anne. Ce film a le talent et l’audace de nous faire entrer, par un savant dosage, dans la grande histoire et la petite histoire.
La grande histoire, c’est le récit de la courte période de la débâcle en 1940, jusqu’à l’entrée en résistance du Général et l’appel du 18 juin. La petite, ce sont les flash-back grâce auxquels nous entrons dans l’intimité de la vie familiale de ce couple, qui traverse les étapes pour consentir au handicap de leur fille trisomique. L’annonce douloureuse du diagnostic médical ; le renoncement à une éventuelle guérison ; la décision qu’elle grandisse auprès d’eux ; la découverte de la beauté et de la richesse de cette enfant atypique, qui les accompagne dans les doux moments familiaux comme dans le chaos qui suit la débâcle.
On devine peu à peu qu’il y a un lien puissant entre ces deux images - celle de ce quadragénaire en chapeau et costume sombre faisant sauter sa fille trisomique sur ses genoux sur une plage bretonne - et celle de cet homme droit et ferme, seul, lançant de Londres l’appel à la résistance le 18 juin 1940. "Sans Anne et sa vulnérabilité, son père aurait-il pu trouver en lui la force de résister à l’esprit de défaitisme de son temps ?" interroge l’essayiste Édouard Tétreau dans Le Figaro. Il ajoute : "Anne de Gaulle rappelle que c’est au contact intime de la fragilité et de la faiblesse que la France et ses chefs puiseront toujours leur force d’âme, leur légitimité, et au fond leur raison d’être." Le général le laisse entendre à sa manière en parlant de celle qu’il appelait "ma joie" : "Elle était une grâce, elle m’a aidé à dépasser tous les échecs, à voir plus haut."
Anne est décédée à 20 ans, dans les bras de son père, emportée par une pneumonie. "La vie l’a quittée avec douceur pour la conduire là où maintenant elle est l’égale de tous", a-t-il dit quelques jours après son enterrement. L’égale de tous, oui, mais aussi tellement unique dans ce qu’elle a pu donner à son père et à travers lui, à notre pays. Alors, on peut la remercier, et, à travers elle, toutes ces personnes fragiles qui nous invitent et qui nous aident, personnellement et collectivement, à aller plus haut, plus loin !
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