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Tout retourne à la poussière
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Tout retourne à la poussière

RCF,  -  Modifié le 17 avril 2019
Après l'incendie de Notre-Dame, François Mandil partage ses réflexions sur notre rapport au temps qui passe.
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Tous les chemins mènent à Rome mais toutes les routes partent de Notre-Dame de Paris, le kilomètre zéro de la France.

Vous vous souvenez du temple d’Artémis à Ephèse, l’une des sept merveilles du monde antique ? En 356 avant Jésus-Christ un dénommé Hérostrate l’a incendié avec comme mobile, la volonté … de laisser son nom dans l’Histoire ! Les juges d’Ephèse l’ont alors fait torturer à mort et, punition ultime, ont voulu effacer sa mémoire en menaçant de mort quiconque prononcerait son nom ! Peine perdue, face à la démesure du geste, ce nom va traverser l’histoire. Finalement, on se souvient plus du nom de l’incendiaire que de celui de l’architecte.

Lorsque j’étais étudiant en histoire, j’avais lu un rapport de fouille d’un site mésopotamien. Dans une tombe, un squelette serrait contre lui une tablette sur laquelle était gravé, en écriture cunéiforme, son nom, ses qualités, son histoire. Il suppliait qu’on ne le laisse pas sombrer dans l’oubli. Trente siècles après, il ressortait du néant. J’éprouve depuis un vrai sentiment de tendresse pour cet anonyme qui nous tendait une main désespérée à travers les siècles. Pourtant, un jour, Hérostrate et lui disparaitront totalement, même de nos mémoires. Vanité des vanités et poursuite du vent.
 

Comme le rappelle le livre de l’ecclésiaste...
 

Lundi soir, nous avons vu Notre-Dame de Paris s’embraser et avec elle, toutes les traces d’autres mains tendues à travers les siècles, celles notamment des travailleurs d’il y a 800 ans. C’est peut-être aussi ça qui a tant touché croyants et non-croyants. Il y a quand même quelque chose de transcendant, quelque chose du grand questionnement de la condition humaine. Notre-Dame de Paris, c’est le bâtiment le plus proche de nous auquel nous nous accrochons pour oublier que, quoi que nous fassions, nous retournerons à la poussière. Bien sûr, c’est notre patrimoine commun, témoignages de racines culturelles profondes mais au-delà, il y aussi notre rapport à l’éternité, notre vaine et admirable agitation contre le rouleau compresseur du temps.
 
Alors bien sûr, rationnellement, il est affreux de constater que nous sommes plus émus par l’incendie qui a détruit une charpente que par celui qui a tué 10 personnes toujours à Paris il y a 2 mois. Bien sûr qu’on peut s’offusquer qu’il soit si simple de trouver autant d’argent pour reconstruire un bâtiment et si compliqué pour construire un toit pour tous ceux et toutes celles qui vivent dans la rue, ne serait-ce qu’à Paris. Bien sûr qu’on peut s’interroger sur l’émotion provoquée par cette église qui brûle alors que dans le même temps, notre maison commune, la terre, brûle sans que nous ne réagissions. Mais ne tombons pas dans ce piège. Nous avons besoin de symboles, de beau, de futile, comme nous avons besoin de prendre soin de nos prochains. Et dans notre futur que la crise climatique rend si difficile à imaginer, nous aurons toujours besoin des racines visibles du passé.  Prendre soin de l’humanité, c’est prendre soin de tout ce qui l’entoure, sinon nous ne serions que des zombies.
 
N’oublions pas enfin que nous avons eu très peur, mais il n’y a pas eu de morts, les rosaces, les trésors, la structure, l’orgue… sont sauvés. C’est de cela dont les siècles suivants se souviendront, tout en jugeant sévèrement les actuelles récupérations politiques.

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