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Martin Steffens : malgré l'angoisse de la mort, ne pas faire taire le cri de la vie
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Martin Steffens : malgré l'angoisse de la mort, ne pas faire taire le cri de la vie

Un article rédigé par Véronique Alzieu - RCF,  -  Modifié le 30 octobre 2019
Tentés d'en finir avec la mort il y a ceux qui la fuient dans une hyper-consommation de la vie et ceux qui l'approchent de trop près. Au risque d'oublier qu'on est fait pour la vie.
BrigitteBAUDESSON - Martin Steffens: "Je vois partout la tentation de nous inviter à nous détacher trop vite de la vie..." BrigitteBAUDESSON - Martin Steffens: "Je vois partout la tentation de nous inviter à nous détacher trop vite de la vie..."

"La vie est belle. La vie, même dans l'affirmation têtue d'elle même, a quelque chose de grand, de beau que j'aime à respecter. Or je vois partout la tentation de nous inviter à nous détacher trop vite de la vie, à faire taire trop rapidement le cri de la vie en nous pour nous acclimater avec la perspective de notre disparition." C'est parce que Martin Steffens observe avec "inquitétude" notre façon d'apprivoiser la mort en oubliant "de clamer que nous sommes faits radicalement pour la vie" qu'il a écrit "L'Éternité reçue" (éd. DDB).
 

La mort est un mystère. Or "un mystère, on l'arpente, on le traverse, on marche avec lui pour apprendre quelque chose"

 

crier au scandale de la mort

On peut vivre en ne pensant qu'à la mort et ne pas vivre vraiment. On peut aussi refuser la mort, en évacuer l'idée autant que possible, mais elle nous rattrape toujours. Sinon, on peut enfin suivre la troisième voie, celle que propose Martin Steffens. "La mort c'est comme une chose impossible" chantaient Les Rita Mitsouko (dans "Marcia baila"). "Pour un vivant, pour quelqu'un qui est en vie, il est fondamentalement impossible de mourir et d'accepeter que quelqu'un qui l'entoure meurre." C'est cette impossibilité-là qui fonde notre existence et lui donne en quelque sorte sa saveur, son cri. "La mort est un scandale." Et pour le philosophe, "toute révolte concre la mort a quelque chose de sain". Mais il faut également "crier contre" ces "sagesses" qui voudraient "nous faire entrer plus facilement dans notre propre abolition".

 



 

Être humain, approcher la mort

En anthropologie, on dit de l'humanité qu'elle commence quand elle enterre ses morts. "C'est peut-être qu'elle a là le pressentiment que l'on devient homme quand on se fait responsable de celui qui ne peut plus rien pour lui : l'enfant, évidemment, la vieille personne, mais avant tout et fondamentalement la personne qui vient de perdre la vie."

La mort, si l'on y réfléchit, est donc "le point par lequel se décide si l'on est humain ou pas, selon la façon dont on l'approche". C'est aussi le regard que propose le philosophe Robert Redeker: "S'il n'y avait pas eu de refus, et de négociation en même temps, avec la mort, il n'y aurait pas eu d'humanité".

 



Une vie pour

L'humain a une conscience aigüe de la mort : cette finitude est angoissante, et "l'angoisse, nous dit le philosophe, est une peur qui ne sait pas de quoi elle a peur". Surtout qu'aujourd'hui on dit que derrière mort il n'y a plus rien - autrefois c'était la rencontre avec un juge avec la crainte de n'avoir pas été à la hauteur durant sa vie. "De nos jours, on vit d'autant plus frénétiquement qu'on ne sait pas ce qu'il y a après, ou qu'on appelle ce qu'il y a après le néant, ce qui fait que la vie se replie sur elle-même dans l'angoisse et peut-être la consommation d'elle-même."

Profiter de la vie pour aborder la mort... avec lenteur. En rédigeant "L'Éternité reçue", Martin Steffens a voulu faire passer ce message : l'importance de la lenteur dans notre rapport à la mort. Peut-être que la mort n'est pas un problème, c'est un mystère comme disait Gabriel Marcel. Or "un mystère", nous dit le philosophe, "on l'arpente, on le traverse, on marche avec lui pour apprendre quelque chose". Il n'y a qu'à s'en remettre aux poètes et aux écrivains, ces témoins de l'invisible, qui ont "des intuitions très fortes sur la mort".

 

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