Donc tu es roi ?Dans la fable de La Fontaine bien connue, les grenouilles demandent un roi. Jupin, alias Jupiter, leur en donne un très débonnaire. Mais elles le trouvent trop calme, justement, et en réclament un autre qui « se remue » davantage. On leur envoie alors une grue qui « les croque, les tue » et « les gobe à son plaisir », et bien sûr les grenouilles se plaignent sur-le-champ d’être ainsi maltraitées. Mais on leur répond qu’elles ont eu tort de ne pas se contenter de ce qu’elles avaient, et qu’à chercher mieux on risque toujours de trouver pire. La leçon de la fable est claire : les peuples sont versatiles et grégaires, la popularité de leurs dirigeants est soumise à des variations sans fin, et il faut se garder de calquer les systèmes politiques sur cette versatilité.
Nos voisins d’outre-manche viennent d’installer sur le trône non pas d’abord un homme, mais avant tout un principe de stabilité, un symbole de continuité. À la question « à quoi sert un roi », quelqu’un aurait répondu : « à éviter que le gouvernement ne se prenne pour le roi ». Sage réponse, qui met à leur place l’un et l’autre : le roi n’est pas là pour exercer un pouvoir, mais seulement pour symboliser une continuité ; le gouvernement n’est pas là pour se croire inamovible, mais seulement pour exercer le pouvoir pendant un temps déterminé, jusqu’à ce que de nouvelles élections le reconduisent ou le congédient. Le problème de fond n’est pas d’être monarchiste ou républicain, mais de tisser ensemble continuité et changement, stabilité et adaptation à la variabilité des circonstances – et ce même problème se pose toujours et partout, dans tous les pays et pour tous les régimes.
La première question n’est donc pas de savoir à quoi sert un roi, ou un président, mais d’abord ce qu’il incarne – et les problèmes commencent quand il n’incarne plus rien du tout. À la question de Pilate « donc tu es roi ? » Jésus a répondu sans hésiter : « Tu l’as dit, je suis roi ! Je suis venu dans le monde rendre témoignage à la vérité » (Jean 18, 37). Jésus incarne la vérité, il est la Vérité en personne. Sa royauté manifeste la vérité et démasque le mensonge. Il n’a pas besoin d’exercer un autre pouvoir ni de revendiquer une autre légitimité.