"J’ai décidé d’aller voir le Saint Père pour lui remettre ma démission". Ce sont les mots qu’a prononcé le cardinal Philippe Barbarin, jeudi 7 mars dernier, après sa condamnation par le tribunal correctionnel de Lyon à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’abus sexuels sur mineurs.
Au lendemain de la décision de justice concernant son supérieur, Mgr Emmanuel Gobilliard, évêque auxiliaire du diocèse de Lyon, a accordé une interview exclusive à RCF, dans laquelle il revient sur la condamnation et la volonté de démissionner du Primat des Gaules, sur le procès du père Preynat, et sur son espérance pour l'Eglise de France, après ce séisme.
Mgr Emmanuel Gobilliard, interrogé par Etienne Pépin, rédacteur en chef actualité de RCF, revient tout d'abord sur l'état d'esprit du cardinal Barbarin, 24 heures après sa condamnation par le tribunal correctionnel de Lyon. "Il est en paix avec sa conscience, par rapport à sa décision" a-t-il notamment expliqué. Il révèle également que la décision du cardinal Barbarin de présenter sa démission au pape François avait été prise avant la décision de justice. "Le rendez-vous avec le pape a été pris il y a quinze jours. Le cardinal avait l’intention de démissionner quel que soit le verdict" a ajouté l'évêque auxiliaire du diocèse de Lyon.
Les réactions à la condamnation du cardinal Barbarin, et à sa volonté de faire appel du jugement tout en présentant sa démission, ont été nombreuses chez les fidèles. Pour Mgr Gobilliard, il existe pourtant un rapport entre ces deux décisions. "Cette démission, c’est une remise de mission. Le cardinal considère qu’il est temps de vivre un changement et de proposer un apaisement pour le diocèse. C’est en tant que pasteur qu’il prend cette décision". Concernant la décision d'interjeter appel, "c’est un homme qui a le droit de faire appel. Pour lui, il a été blessé, et qu’il y a des choses inexactes. Il a le droit et même le devoir. Il faut aller au bout du jugement" précise Mgr Gobilliard. Ce dernier a également précisé que dans les attendus du procès, il a "été surpris de voir que la magistrate a parlé des prédécesseurs du cardinal Barbarin. Il y a quelque chose qui le dépasse. Il porte les erreurs et les silences de l’Eglise diocésaine".
Mgr Gobilliard a tenu a rappelé que le cardinal Barbarin souhaitait avant toute chose que le diocèse retrouve de l'apaisement. Tout comme les victimes. "Nous sommes résolument du côté des victimes. C'est bien le but du diocèse" a martelé l'évêque auxiliaire de Lyon.
Mgr Emmanuel Gobilliard a également souhaité revenir sur l'autre procès en cours, celui du père Preynat. A ce sujet, il a indiqué être "choqué que l’on mette autant de temps. Comment se fait il que le cardinal Barbarin soit jugé avant l’auteur des faits ? Nous souhaitons que ce procès ait lieu. Il permettra au diocèse de s’apaiser". Avant d'ajouter : "il y a des questions qui se posent : le fait qu'une troupe scoute ne soit rattachée à aucun mouvement scout, le cumul des pouvoirs de ce prêtre, le fait qu'il ait été mis au pinacle par des gens qui le considèrent comme un héros. Nous voulons que le diocèse en prenne toute la mesure".
A la question, "est ce que tout est sur la table ?", Mgr Emmanuel Gobilliard estime qu'"il ne faut pas croire que tout est fini. Nous devons changer nos fonctionnements, nos habitudes. Il y a onze pour cent des cas révélés en France [Toutes institutions et organismes confondus NDLR]. Au niveau de la société elle-même ce mouvement ne fait que commencer". Avant d'évoquer plus précisément le cas de l'Eglise : "soyons attentifs au niveau de la formation des séminaristes, de la prévention. Il y a tout un mouvement à lancer et notre responsabilité est de le faire dans les séminaires".
L'évêque auxiliaire a enfin souhaité rassurer les fidèles de son diocèse. "Dans le diocèse de Lyon, les structures restent en place, le diocèse continue de vivre. Nous évêques, nous ne sommes que de passage" a-t-il conclu.
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