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104 journalistes tués en 2024

Un article rédigé par Olivier Moch - RCF Liège, le 16 janvier 2025 - Modifié le 16 janvier 2025

Une statistique marquante de l’année 2024 : 104 journalistes tués en l’année dernière, dont plus de la moitié à Gaza. 2024 est-elle une année lourde en pertes humaines pour les médias ? Décryptage. 

Journalistes au coeur d'un conflit armé se protégeant des balles © South Agency, CANVAJournalistes au coeur d'un conflit armé se protégeant des balles © South Agency, CANVA

On peut le dire, oui, les médias accusent de lourdes pertes en 2024, avec le décès de 104 de leurs journalistes.

Même si c’est moins qu’en 2023, lorsque 123 journalistes avaient perdu la vie dans le cadre de leur métier. Mais ce n’était ‘’que’’ 58, en 2022… Selon Reporters Sans Frontière, sur les 25 dernières années, ce sont 2072 journalistes qui ont été tués en pratiquant leur métier. Cela fait une moyenne de 83 chaque année… Vous l’avez dit, selon la Fédération Internationale des Journalistes, 104 professionnels des médias ont été tués en 2024.

Donc oui, en étant largement au-dessus de la moyenne des 25 dernières années, on peut dire que 2024 restera dans les mémoires comme une année très meurtrière pour les journalistes. Plus de la moitié d’entre eux sont morts dans la Bande de Gaza, c’est énorme… même pour une zone de conflit ! Gaza a été un véritable épicentre de violences. Cinquante-cinq journalistes y ont perdu la vie, souvent lors de bombardements ou d’attaques directes.

Ce qui est frappant, c’est que dans de nombreux cas, les journalistes étaient identifiables par leurs équipements – gilets et casques marqués "PRESS". Pourtant, ils ont été visés. Certains ont même perdu leur famille dans ces attaques.
Cependant, le conflit à Gaza n’est pas le seul contexte où les journalistes sont en danger. Au Mexique, par exemple, les journalistes restent ciblés par le crime organisé. En Ukraine, la guerre a aussi coûté la vie à plusieurs reporters. Et même en dehors des zones de guerre, la liberté de la presse est menacée. En 2024, des journalistes ont été tués dans 18 pays différents, pour des raisons allant de leur couverture des conflits à des enquêtes sur la corruption. On peut évoquer l’Afghanistan, le Brésil, la Colombie, l’Inde, le Bangladesh, les Philippines ou encore la Syrie !

 

Un impact certain sur la liberté de la presse !


Le meurtre de journalistes prive le public d’informations cruciales, surtout dans les zones de conflit où les journalistes sont souvent les seuls témoins indépendants. Mais c’est aussi le cas lorsque des journalistes qui enquêtent sur des sujets délicats sont éliminés, comme ce fut le cas récemment de Daphné Carruana Galizia qui enquêtait sur la corruption à Malte, de Jan Kuciak qui s’apprêtait à publier un article sur la fraude fiscale dans les milieux d’affaires de son pays, la Slovaquie, ou encore de Peter de Vries assassiné par balles, en juillet 2021 alors qu’il enquêtait sur des organisations criminelles marocaines, au Pays-Bas. Lorsque ces journalistes sont assassinés, ce sont des enquêtes qui ne vont pas à terme et qui privent le grand public d’informations essentielles. Ces meurtres créent, par ailleurs, un climat de peur. Beaucoup de journalistes choisissent l’autocensure ou quittent la profession. Et c’est tout le droit à l’information qui est menacé.


L’ONU pointe un quintuple impact de ces assassinats sur la liberté de la presse :

1.    Un renforcement de l’impunité : dans 85 % des cas de meurtres de journalistes, aucune justice n’est rendue. Cela envoie un message clair aux agresseurs : ils peuvent agir sans crainte de conséquences.
2.    La fragilisation des démocraties : une presse libre est essentielle à la démocratie. En s’attaquant aux journalistes, les forces répressives affaiblissent un pilier fondamental du contrôle des pouvoirs. Les régimes autoritaires en profitent pour museler davantage la presse, comme c’est le cas en Russie ou au Myanmar. La liberté de la presse est directement liée à la liberté d’expression. Lorsque les journalistes sont tués ou intimidés, cela décourage également les citoyens et les lanceurs d’alerte de s’exprimer.
3.    Un climat de peur et d’autocensure : les menaces, agressions, et meurtres créent un climat d’intimidation. Les journalistes, surtout locaux, craignent pour leur sécurité et celle de leurs familles. Cela peut conduire à une autocensure sur des sujets sensibles comme la corruption, le crime organisé ou les conflits armés. 
4.    Ce climat de peur crée un désengagement dans le métier : le danger croissant décourage les jeunes de rejoindre la profession. Dans certains pays, les journalistes quittent leur métier pour échapper aux menaces ou émigrent vers des zones plus sûres, appauvrissant ainsi la presse locale.
5.    Le cinquième point est plus prosaïque, mais il est crucial, le travail dans des zones à risque nécessite des moyens financiers supplémentaires : équipements de protection, formation à la sécurité, etc. Cependant, de nombreuses rédactions, notamment, dans les pays pauvres, manquent de ces ressources pour envoyer des journalistes en zone dangereuse.
 

Mieux protéger les journalistes !


La communauté internationale condamne fermement les meurtres de journalistes, considérés effectivement comme des atteintes graves à la liberté de la presse et au droit à l’information. Des organisations comme l’ONU, l’UNESCO et des groupes comme Reporters sans frontières (RSF) appellent à la fin de l’impunité pour ces crimes. La Cour pénale internationale est pressée de considérer les attaques délibérées contre les journalistes comme des crimes de guerre dans les zones de conflit. Cependant, les actions concrètes et les enquêtes restent insuffisantes face à l’ampleur du problème.


Pour mieux protéger les journalistes, les États doivent respecter leurs obligations internationales et enquêter sur les attaques contre les journalistes. La Cour pénale internationale doit considérer ces actes comme des crimes de guerre. Enfin, il faut continuer à soutenir financièrement et moralement les journalistes, en particulier ceux qui travaillent dans des conditions précaires. Mais la toute première chose est évidemment une volonté réelle de les protéger et de protéger la liberté de la presse… en 2025, je ne suis pas convaincu que ce soit une priorité pour les grands dirigeants de ce monde comme Trump, Poutine, Xi Jinping, Kim Jong-Un ou même Olaf Scholz et Emmanuel Macron. Et comme les puissants de l’économie mondiale tels que Elon Musk, Sundar Pichai (Google), Mark Zuckerberg, Tim Cook ou Jeff Bezos ne sont pas plus enclins à privilégier la protection des journalistes… les choses risquent fort de ne pas évoluer rapidement.
 

RCF Liège
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
La chronique com’ et médias
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