Cette histoire n'est pas la plus connue du Berry. Une colonie agricole pénitentiaire qui a existé durant près de 80 ans à Saint-Germain-du-Puy, avec des méthodes novatrices pour encadrer les jeunes. Une association locale a créé un parcours sur les traces de ces enfants.
Entre le XIXème et le XXème siècle, la commune de Saint-Germain-du-Puy à côté de Bourges a accueilli une colonie agricole pénitentiaire pour jeunes délinquants. L'œuvre d'un Breton avec des idées nouvelles pour offrir à ces jeunes une nouvelle vie. Depuis le mois de septembre, l'association des Amis du patrimoine de Saint-Germain-du-Puy a créé un parcours historique et touristique de 4 km à travers les vestiges du site pour découvrir cette histoire à l'aide de 16 panneaux. On vous la raconte.
À l'initiative : Charles Lucas, un inspecteur général des prisons. Originaire de Saint-Brieuc, il épouse une Berrichonne et s'installe dans le Cher. En 1847, il fonde la colonie agricole pénitentiaire du Val d'Yèvre, c'est la deuxième de France, après celle de Mettray en Touraine, qui a ouvert quelques années plus tôt en 1839 : « Le but était de séparer les enfants et les adultes dans les prisons », explique Serge Borderieux, Vice-Président de l'association des Amis du patrimoine de Saint-Germain. Il faut dire qu'à l'époque, les jeunes peuvent cohabiter derrière les barreaux avec des criminels dangereux : « Un gamin qui avait volé une pomme pouvait se retrouver avec un gars qui avait trucidé 3 personnes ! » , détaille Serge Borderieux, qui a consacré un ouvrage sur le sujet en 1989, "Une prison verte en Val d'Yèvre". La structure doit permettre aux jeunes de revenir « à la vie active, en suivant une maxime que voulait le fondateur, "l'amendement de la terre par l'enfant et l'amendement de l'enfant par la terre". Ils apprenaient un métier, que ce soit dans le domaine agricole ou alors sabotier, boulanger, forgeron, vu que la colonie vivait en autarcie. »
La journée de ces jeunes commence de bonne heure. Au programme, école le matin et le soir, et travaux agricoles dans la journée. En somme, la réinsertion par l'éducation et le travail : « C'est très novateur de faire une prison sans aucune clôture ! L'autodiscipline était mise en place pour les enfants. Il y avait des gardiens surveillants du côté des adultes, mais les jeunes étaient scindés en compagnies, et chacune d'elles avaient un colon gardien, un garçon un petit plus vieux. Il fallait que les enfants soient corrects, sinon, c'est l'ensemble du groupe qui était réprimandé, où à l'inverse, récompensé ». Une gestion de l'ordre et l'apprentissage d'un métier qui fait de la colonie, un projet « complètement nouveau au niveau pénitentiaire. »
La colonie s'étendra sur 450 hectares au plus fort de son histoire, et 5 000 jeunes de 8 à 20 ans y séjourneront jusqu'à sa fermeture. Au niveau des profils, « Il y avait un petit peu de tout, notamment des enfants abandonnés. Il y avait aussi des enfants en correction paternelle, et puis évidemment des délinquants et des jeunes détenus qui avaient été jugés, et donc condamnés à faire quelques années en correction. »
L'État reprendra la main en 1872, avant de prendre le contrôle complet de la colonie 6 ans plus tard, mais l'esprit initial du fondateur n'y sera plus : « Ça s'est fortement dégradé, on était plus sur l'exploitation des enfants que sur l'esprit collectif et de corps qui existait avant. Charles Lucas avait voulu que ce soit fait en bon père de famille, ce n'était plus trop la façon de faire pendant la période publique ». La colonie fermera ses portes en 1924. Près d'un siècle après la fermeture, Saint-Germain-du-Puy reste marqué par cette histoire. Le travail de ces jeunes a permis d'assécher les marais environnants... Laissant la place à la commune de se développer.
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