Le prix Goncourt des lycéens 2023 a été attribué à Neige Sinno pour Triste tigre. Un roman, déjà récompensé par le prix Femina, qui revient sur les viols subis par l'auteure dans son enfance. Comme chaque année, le lauréat devient l'un des livres les plus vendus, un succès en librairie. Et pourtant , ce prix ne repose pas sur un jury professionnel. C'est un travail titanesque réalisé par près de 2 000 lycéens partout en France. Reportage à Lyon.
Devant l’entrée de la Comédie-Odéon de Lyon, des dizaines de lycéens attendent de pouvoir entrer dans la salle, carnets ou livres à la main. Nous sommes en octobre, et ils vont rencontrer une partie des auteurs de la sélection Goncourt, armés de leurs extraits préférés et de questions travaillées en classe.
L’ambiance est autant joyeuse que sérieuse. « Je suis extrêmement enchantée par le niveau de concentration, l’engagement des élèves. On sent qu’ils prennent leur rôle au sérieux », nous partage l’auteure Émilie Frèche. Elle a déjà participé à trois autres rencontres pour échanger autour de son livre Les Amants du Lutetia (Albin Michel). Pour les auteurs en lice, c’est un marathon littéraire qui s’ouvre dès septembre et une occasion unique de rendre la littérature plus vivante que jamais.
En première ligne pour rentrer dans la salle, Syrine, 16 ans, élève de seconde au lycée Colbert de Lyon. Elle se concentre sur un extrait du roman Une façon d’aimer (Gallimard) de Dominique Barbéris, qu’elle n’a plus quitté depuis qu’elle a ouvert la première page. « Avant, je n’aimais pas trop lire. Mais après avoir lu ce livre, je me suis dit : pourquoi pas essayer d’en lire d’autres », explique-t-elle. Le déclic pour lire : le sentiment de responsabilité de participer à un prix prestigieux : « ça met une sorte de pression parce qu’on doit bien faire les choses ».
Derrière cette victoire, il y a bien sûr les professeurs qui ont embarqué leur classe dans cette aventure. Dans le lycée Colbert de Lyon, la professeure de français de Syrine, Clélia Anfray, a envoyé une lettre de motivation pour participer au Goncourt des lycéens au printemps dernier. Elle s’était rendu compte que ses élèves apprécier la lecture d’anciens Goncourt des lycéens, et que la littérature contemporaine arrivait à les intéresser.
Il a fallu faire de la place cette année. Depuis septembre, « deux heures par semaine, on échange autour d’un livre ». Un exercice de lecture, mais aussi d’éloquence et d’argumentation. « Syrine a par exemple réussi à embarquer toute la classe » autour du livre Une façon d’aimer.
Défendre les couleurs d’un livre ou d’une sélection, c’est le programme chargé des lycéens qui s'embarque dans ce prix. En novembre, la liste des finalistes a été élaborée par des lycéens délégués régionaux. Et la dernière phase, jeudi 23 novembre au matin, 13 lycéens ont quinze minutes par ouvrage pour faire valoir leur favori avant de passer au vote. Estelle Flavet, responsable de l’action culturelle pour la Fnac, assiste depuis dix ans aux délibérations finales, quelques heures pendant lesquelles « il y a des bascules parce que l’émotion prend aussi le pas dans le débat. On est toujours surpris par le Goncourt des lycéens ».
Dans cet épisode de Tempo :
- Estelle Flavet, responsable de l’action culturelle pour la Fnac,
- Syrine, élève en seconde au lycée Colbert,
- Clélia Anfray, sa professeure de lettres,
- Émilie Frèche, qui signe Les Amants du Lutetia (Albin Michel)
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