Un vrai parcours du combattant. C’est ce qui caractérise toujours le voyage des migrants vers l’Europe. Ahmed* a quitté sa Côte d’Ivoire natale en début d’année pour la France. Vivre avec son épouse était quasiment impossible. Elle a été excisée puis promise en mariage à un vieil homme. Ils ont donc choisi de fuir avec leurs deux enfants, dont un bébé qui venait de naître.
Ahmed se rappelle du désert libyen, et du bateau qui, surchargé de migrants, a failli couler en mer Méditerrannée. Ils ont connu l’horreur pour finalement arriver en France en juin. La famille pensait trouver rapidement un logement, mais le cauchemar n’a fait que durer. Ils dorment désormais où ils peuvent et Ahmed doit ainsi rester vigilant : "quand la nuit tombe, de peur qu’on nous braque ou qu’on viole ma femme, elle dort avec les deux enfants et moi je les surveille".
Ahmed, son épouse et ses deux enfants se rendent régulièrement à la porte d’Aubervilliers où ils retrouvent les bénévoles de l’association Utopia 56. Cette dernière met en lien des hébergeurs volontaires et des migrants.
C’est cette même association qui a mené une action mardi sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris. Plus de 200 familles ont dormi dans des tentes, sous les yeux des élus parisiens. L’objectif était de sensibiliser aux difficultés d’accès au logement que rencontrent les migrants. Aussitôt la mairie s’est saisie du problème en logeant toutes les personnes présentes, dans des hôtels ou des centres d’hébergement. Une compétence partagée avec la Préfecture.
Mais Gaël Manzi, le fondateur d’Utopia 56 déplore qu’aucune politique durable ne soit mise en place. "Ça fait cinq ans qu’on essaye d’alerter les autorités. Ils ne s’occupent pas des problèmes de fond comme les papiers. Ce sont des personnes qui ont quitté des pays des guerres et on les laisse sur le trottoir. […] Est-ce que c’est normal ? C’est une honte."
Paris. Les 219 personnes installées lundi soir devant l’Hotel de Ville ont (enfin) été prises en charge après une nuit en tente 1/5 â¡ï¸ https://t.co/iT28g1l35J pic.twitter.com/kUCgy2unr1
— Utopia 56 (@Utopia_56) September 2, 2020
Depuis le début de l’année, 1642 personnes ont demandé un logement auprès de l’association. Selon le vicaire général de l’archidiocèse de Paris, Monseigneur Benoist de Sinéty, cette problématique s’explique d’une part par la pénurie de logement que connaît la capitale. D’autre part, ce sont les choix politiques des dernières années qui ont mené à ce problème, en "laissant pourir la situation". Il tient donc à rappeler le rôle de l’Eglise vis-à-vis de cette problématique. "On appartient à un monde global. Nous sommes solidaires les uns des autres et nous ne pouvons pas rêver de nous retrancher dans une petite parcelle de territoire à l’abri de toute interférence."
Contacté, l’adjoint en charge du logement, de l’hébergement d’urgence et la protection des réfugiés à la mairie de Paris n’a pas répondu à notre sollicitation.
Pour proposer votre hébergement à des personnes migrantes, pour une nuit par exemple, il faut vous signaler auprès de l’association.
*Le prénom a été modifié.
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