C’est l’une affaire qui a plongé l’Église dans la tourmente, depuis près de trois ans. Le cas du père Bernard Preynat est rapidement devenu emblématique du scandale de pédophilie qui secoue l’institution religieuse.
L’histoire débute en 1971, dans la paroisse Saint-Luc de Sainte Foy-lès-Lyon, en banlieue lyonnaise. Le Père Bernard Preynat y officiera jusqu’en 1991. Depuis son ordination à l’âge de 26 ans, ce prêtre brillant et dynamique dirige le groupe scout Saint Luc. Le vicaire de la paroisse est apprécié et admiré de ses ouailles.
Mais dans l’ombre, plusieurs garçons découvrent en réalité un autre homme, un prédateur sexuel, qui aurait abusé d’eux. Il reconnaîtra plus tard les faits. Trente à quarante ans après les faits, près d'une centaine de victimes décident de sortir de leur silence, de la honte qui les avait jusque là empêché de parler, de livrer leur témoignage, de monter une association pour faire entendre leur voix et de demander à l’Église de rendre des comptes.
Pour l’association La Parole Libérée, l’institution religieuse était au courant des agissements du père Preynat, et n’aurait rien fait. Dans le livre "Eglise : la mécanique du silence" (éd. JC Lattès), on apprend que le père Preynat avait été convoqué par le curé de la paroisse, le père Jean Plaquet, dès 1978, après un camp en Allemagne où il aurait commis des caresses sur des mineurs. En 1980, de nouveaux attouchements sont rapportés par Bertrand Virieux, l'un des fondateurs de La Parole Libérée. Le curé en est de nouveau informé.
Les dénonciations se poursuivent jusqu’au début des années 90. En mai 1990, c’est au tour de François Devaux de signaler des comportements inappropriés à ses parents, qui finissent par demander des explications à l’intéressé, et au père Plaquet. Mais le père Preynat reste en place. En février 1991, les parents de François Devaux écrivent à l’archevêque de Lyon, le cardinal Decourtray, qui finit par déplacer le père Preynat dans le Roannais.
Six mois plus tard, ce dernier quitte les Petites Sœur des Pauvres de la Part Dieu pour rejoindre le village de Neulise, dans la Loire. En 1999, il est muté trente kilomètres plus loin, à Cours-la-Ville où il dirige une quinzaine de paroisses et reprend une activité pastorale classique. En 2011, neuf ans après l’arrivée du cardinal Barbarin à la tête du diocèse, le père Preynat est envoyé au Coteau, non loin de Roanne, où il a la charge de la paroisse locale. Le père Preynat y fait notamment le catéchisme dans une école privée, et crée le patronage Claire Jeunesse.
Pourtant, quatre ans auparavant, le cardinal Barbarin avait été informé des agissements passés du père Preynat. Il le reconnaît dans un entretien accordé au quotidien La Croix, en date du 10 févier 2016. Mais pour le primat des Gaules, il n’y a plus lieu de s’inquiéter car Bernard Preynat lui dit avoir cessé ses agissements depuis 1991. Pour certains, comme la journaliste Isabelle de Gaulmyn, du quotidien La Croix, le cardinal Barbarin était au courant de cette affaire depuis au moins 2004.
En 2013, plusieurs victimes du père Preynat découvrent que leur bourreau est toujours en place dans le diocèse de Lyon. Un email est alors adressé au cardinal Barbarin, pour l’informer des agissements de l’ancien vicaire de Sainte-Foy-lès-Lyon. Le prélat oriente l’auteur du mail, Alexandre Hezez, victime du père Preynat et aujourd’hui membre de La Parole Libérée vers Régine Maire, psychologue et membre du conseil épiscopal. Cette dernière organise alors en octobre 2014 une rencontre basée sur la réparation et le pardon.
Dès lors, le diocèse se mure dans le silence jusqu’en juillet 2015, où le cardinal Barbarin rappelle Alexandre Hezez, pour lui expliquer qu'il a été contacté par Rome à la suite d’une lettre envoyée au pape par la victime, en avril de la même année. Dans ce message, le cardinal Barbarin indique à Alexandre Hezez avoir sanctionné le père Preynat, lui interdisant toute activité pastorale, et toute activité avec des mineurs.
Le prêtre pédophile quitte véritablement ses fonctions en août 2015. En octobre, un communiqué du diocèse de Lyon révèle la mise en cause du père Preynat. Il faut attendre janvier 2016 pour que l’association, qui recense aujourd’hui plus de 70 victimes déclarées, fasse éclater toute cette affaire, qui plongera le diocèse de Lyon dans la tourmente, et poussera l’Eglise catholique à faire preuve de transparence et à entreprendre des mesures plus importantes pour lutter contre les abus sexuels en son sein.
Le père Preynat est placé en garde-à-vue. Il est mis en examen la même année pour agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité, et placé sous le statut de témoin assisté pour trois viols présumés. Son procès canonique, débuté en février 2016 et qui a repris en octobre 2018 vient aujourd’hui de s’achever. Le prêtre attend toujours d’être jugé devant la justice civile.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !