Nos aînés, voilà une formule qui jusqu’à notre fin dernière fait en vérité partie d’un concept, et dans le fond je le préfère à « personnes âgée », parce que de notre enfance à notre âge très avancé, on a des aînés. Et on va le constater, l’étymologie ne nous pousse pas dans un avenir incertain mais dans un passé incontestable.
Eh bien, il s’agit d’un mot composé de deux mots qu’on ne reconnaît plus dans les quatre lettres de l’adjectif ou du nom aîné, au masculin et avec son accent circonflexe. En réalité il suffit de se référer à sa première entrée en langue française, en 1155, dans le Roman de Brut, b r u t, une histoire légendaire de l’Île de Bretagne de 14 866 vers, rédigés en langue anglo-normande par Wace, un trouvère normand. Et on peut y lire ceci : « Brutus prist doze des ainz nez, Des plus justes et des plus senez [sensés] » et là je suis obligé de vous épeler ainz néz, en deux mots, ainz, a i n z, qui signifiait en ancien français avant, issu du latin vulgaire antius, comparatif de ante, avant, et puis après cet adverbe le mot nez, écrit nez mais le z n’était là que pour prononcer é puisqu’à l’époque on n’avait pas encore inventé le e accent aigu. Et ce ainz né, désigne donc ceux qui sont nés avant nous, les deux mots se soudant à la fin du XIIe pour donner aisné en un mot avec un s qui sera ensuite remplacé par un accent circonflexe. Aussi dans notre premier dictionnaire aîné est-il défini au masculin comme « le premier né des enfants mâles dans une maison » avec cet exemple : « Il est l’aîné de la famille ». Et puis au féminin, avec aussi un article, aînée, avec un e donc, « La première nées des filles d’une maison ». Et là on reste confondu par l’exemple que donne Richelet ce qui témoigne d’une époque où la femme est avant tout le beau sexe.
Volontiers, il est tout simple : « Aisnée » donc : « L’aînée est la plus belle ». Bon, ce n’est pas désagréable bien sûr. C’est quand même mieux que l’aînée est vraiment laide… Bon, mais aujourd’hui, il serait politiquement correct d’écrire : l’aînée des sœurs et bien plus doué que l’aîné des frères… Moi de mon côté, je suis fils unique hélas, pas de comparaison possible…
Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot !
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