Alexandre Duval-Stalla est avocat, écrivain, professeur à Sciences Po. C’est peu de dire que le livre représente une part importante de sa vie. En 2012, le gouvernement brésilien publie au journal officiel une mesure insolite : la possibilité de réduire sa peine de prison par la lecture. Un livre lu égale quatre jours de remise de peine. Une initiative éclairante pour l’avocat qui décide alors de l’importer en France. En 2015, il lance son premier programme en milieu carcéral, à Châlons-en-Champagne, avec l’association qu’il préside : Lire pour en sortir. Une structure qui a pour but d’apporter aux détenus un accès à la lecture, et finalement à la redécouverte de soi.
À l’heure de la rentrée scolaire, et littéraire, l’avocat rappelle qu’en prison, la rentrée est une période très attendue. "C’est un moment important car tout reprend, après s’être arrêté en été. L’été est un temps compliqué à gérer en prison" explique-t-il. Durant l’été, les activités diminuent puisque les bénévoles partent en vacances. Aussi l’ennui peut rapidement se faire sentir chez les détenus. À cela il faut ajouter la chaleur, la promiscuité, les cellules trop petites, la violence etc.
L’année passée a été marquée par un fort conflit social dans les établissements pénitentiaires. Des surveillants qui dénonçaient alors un manque de moyens et la dangerosité de certains détenus radicalisés. Et des conditions d’incarcération déplorables, pointées du doigt notamment par les associations. "On vit mal en prison. Tous les acteurs de la prison vivent mal malgré leur bonne volonté" ajoute Alexandre Duval-Stalla. Problèmes de sécurité et d’insertion pour les détenus, pour les surveillants, et pour les cadres.
"En France, nous avons une culture de guerre civile et non de dialogue. Cela ne permet pas de mettre tout le monde autour de la table pour mieux résoudre les problèmes" lance le président de Lire pour en sortir. Le personnel de l’administration pénitentiaire, les acteurs du milieu carcéral se parlent peu. "L’une des causes de la surpopulation carcérale, c’est que la justice et la prison se parlent peu. C’est pour cette raison que j’ai essayé de pousser le fait qu’il y ait des réunions mensuelles entre le directeur de la prison, le parquet et les magistrats du siège" précise-t-il.
Alexandre Duval-Stalla confirme que la situation carcérale se dégrade en France, malgré quelques programmes de rénovation de qualité, comme dans la prison de la Santé. Pour que la place de prison soit moins chère, on construit de grosses prisons. Mais ce n’est pas la solution. Alexandre Duval-Stalla explique qu’il faudrait des prisons de 350 détenus maximum, précisant même que l’architecture des nouvelles prisons est faite pour qu’il y ait de moins en moins de contacts entre prisonniers et surveillants.
C’est dans ce contexte qu’intervient Lire pour en sortir. "Je crois au pouvoir de la littérature, en particulier pour les personnes détenues. J’ai défendu un certain nombre de personnes en cour d’assises, et j’ai été frappé par le fait qu’elles n’avaient pas les mots pour s’exprimer, ni les représentations mentales pour comprendre leur chemin de criminel. Du coup, elles comprenaient moins, assumaient moins leur responsabilité, elles étaient plus condamnées, et on favorisait de ce fait la récidive" lance l’avocat.
Aujourd’hui, entre 40 et 60% des détenus sont concernés par le programme de Lire pour en sortir. Une vraie réussite. "Il y avait un vrai besoin culturel. L’accès à la culture était compliqué" explique Alexandre Duval-Stalla qui précise que "l’accompagnement personnalisé, la lecture et l’écriture fait la force de notre programme". Le président de Lire pour en sortir confesse que l’association a toujours été bien reçue par l’administration pénitentiaire.
"Vous n’imaginez pas comment un livre change une personne en prison" lance-t-il. "C’est extraordinaire. Je reçois des longues lettres bouleversantes de détenus, qui racontent le lien fraternel avec le bénévole qui les accompagne, comment le livre les a changés. La force de la littérature, c’est qu’elle vous fait prendre conscience de qui vous êtes" conclut-il.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !