Alexis Burnod est médecin en service de soins palliatifs à l'Institut Curie. Une semaine après la présentation du projet de loi "fin de vie" en Conseil des ministres, il revient sur l’importance du doute pour respecter l’intérêt et la volonté des patients.
« En soins palliatifs, vous prenez le temps pour co-construire avec les personnes un projet de soin qui correspond à ce qu’elles veulent et ce qu’elles attendent, c’est ce qui fait l’humanité du service ». Respecter ce projet et toujours avoir en tête l’intérêt du patient relève d’une priorité absolue pour Alexis Burnod. Mais avec les débats sur la fin de vie, le médecin dit redouter la mise en place d’une "législation globale au détriment du cas par cas."
"Mais il y a des limites à l'exercice pour pouvoir encore soigner explique Alexis Burnod qui interroge, Est-ce qu'il faut aller jusqu'à provoquer la mort ? Ce que je vois, c'est que on peut être tenté, sur des situations très difficiles." Le spécialiste s'inquiète "d'un projet de loi qui envoie un message aux personnes vulnérables pour leur dire : à partir de maintenant, si vous le souhaitez, on peut vous aider à vous suicider, que d’actes qui se produisent ici et là dans une intimité entre un patient et son avec son médecin."
Pour Alexis Burnod, il est normal d'en référer "au tribunal de sa conscience et de rester dans un domaine transgressif." "Nous avons des cas de conscience pour chaque personne que nous accompagnons, parce que ce n’est pas toujours facile de trouver le juste soin. Est-ce moi qui pousse dans tel soin ou la demande vient-elle de la personne ? Comment être toujours dans une décision adaptée à la situation ?". Si tel est l’intérêt ou la volonté du patient, “il faut parfois se retenir de prescrire”, insiste le médecin.
Le risque, c’est de se retrouver dans une position dominante vis-à-vis du patient explique Alexis Burnot.
"Si on ne si on ne repense pas systématiquement notre éthique du soin en conformité avec ce que vit la personne, on peut être amené à être trop puissant et à ne pas être dans l'intérêt de la personne."
Dans son service, ce questionnement se fait en équipe. "Nous essayons toujours d’avoir ce cas de conscience, parce qu'on doit continuer à douter."
Sans jugement, le médecin évoque la question des clauses de conscience, et la difficulté de travailler seul. "Si j'avais un exercice solitaire, où je devais me rendre à domicile, je serais probablement confronté à des situations très différentes et je serais peut-être amené à poser un certain nombre d'actes. Mais je trouve sain que la personne sache toujours que le thérapeute qui est en face d’elle a des limites, et s’il sort de ces limites, c’est une transgression."
Autre crainte exprimée par une partie du corps médical : le risque de devenir "prestataire d’une demande.". "Cela implique un changement radical dans la relation au soignant qui deviendrait un peu prestataire, en répondant à la demande de quelqu'un qui souhaite."
Aux yeux du médecin de l'Institut Curie, une loi empêche de déplacer le curseur et de traiter les cas de façon individualisée et unique. "Chaque fin de vie est exceptionnelle. Votre vie, ma vie, notre mort est exceptionnelle, donc trouver une limite pour dire ce qui acceptable et ce qui ne l’est pas est impossible." conclut-il.
Fin de vie, le cas de conscience : Un défi éthique collectif, Alexis Burnod, Editions de l'Observatoire
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