C’est un film assez jubilatoire sur le monde politique, vu de l’intérieur de la mairie d’une grande ville. Puisque Luchini joue le rôle du maire fictif de Lyon, Paul Théraneau, un vieux routier de la politique, usé par trente ans de pouvoir et qui n’a plus beaucoup d’illusions sur son entourage. Il est surtout à court d’idées et il s’adjoint pour remédier à ça, les services d’une jeune diplômée en philosophie, Alice jouée par Anaïs Demoustier.
Oui, c'est une comédie parce qu’on rit beaucoup ! Le regard porté sur la difficulté des politiques à allier l’action et la réflexion est très drôle. C’est un film intelligent fait par un réalisateur sans cynisme, qui aime la chose publique ! Il nous épargne du coup avec bonheur le pamphlet habituel du « tous-pourris ».
Il ose en revanche aller au bout de son propos, qui est d’interroger le fonctionnement du pouvoir et l’état de la démocratie aujourd’hui ; ce qui est rarement fait au cinéma !
Le choix de Lucchini déjà, acteur fétiche de Rohmer ! Nicolas Pariser voulait tourner avec lui avant même d’avoir commencé à écrire son scénario. Dans le titre aussi ! On ne peut pas, Stéphanie, ne pas penser à « L’Arbre, le Maire et la Médiathèque » qui était déjà une fable politique caustique sur l’ambition d’un maire de village.
La place des dialogues aussi ! Ils prennent leur temps, ils poussent à la réflexion, mais de manière légère et raffinée.
Il faut citer ici le talent impressionnant des deux acteurs. Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu Fabrice Luchini dans un jeu aussi contenu. Chaque mimique, chaque posture dessine en creux la personnalité du maire, sa passion pour son métier mais son désenchantement aussi. Et il est formidable !
Anaïs Demoustier, elle, apporte sa fraîcheur, sa jeunesse, au personnage d’Alice et elle l’incarne avec un naturel absolument déconcertant. Pour moi c’est vraiment une des meilleures actrices de sa génération !
Le réalisateur y répond par son cinéma, avec sa caméra et ses deux personnages, Paul et Alice, qui incarnent chacun un camp. Tout le film suit le cheminement de leur rapprochement. La mise en scène est très maitrisée. Dans un long générique, Alice descend les escaliers de la ville puis rentre dans l’arène par un défilé de portes et de couloirs jusqu’à un petit bureau. Leurs entrevues se déroulent ensuite dans l’interstice étroit des agendas mais ils trouvent le temps de s’apprivoiser l’un l’autre, de manière émouvante parfois, jusqu’à un discours final écrit à quatre mains.
C’est fin, pétillant et stimulant ! Et la bonne nouvelle, c’est qu’il y aussi de la place pour la pensée dans le cinéma !
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