Il était l’un des derniers établissements scolaires privés musulman encore sous contrat avec l’État en France, et il vient de perdre son agrément. L’ensemble scolaire Al-Kindi vient de perdre son contrat d’association avec l’État. Une décision préfectorale, à la suite d’un rapport de l’inspection académique qui pointe des manquements administratifs et pédagogiques, une « atteinte aux valeurs de la République » qui résilie donc les trois contrats liant l’école élémentaire, le collège et le lycée Al-Kindi. Qu’est-ce que ce dossier nous apprend sur l’enseignement privé musulman ici en France ? Éléments de réponses.
Ce n’était pas un lundi matin comme les autres. Dans l’établissement décinois qui regroupe un peu plus de 600 élèves, l’inquiétude commence à monter. Direction, parents d’élèves et enseignants ont appris la nouvelle par la presse : Al-Kindi perd son contrat le 1er septembre 2025.
Les conséquences sont nombreuses, et notamment la plus directe, l’augmentation attendue des frais d’inscriptions pour la prochaine année scolaire. Et alors que ce contrat permettait jusque-là de rémunérer la plupart des enseignants de l’établissement, il va falloir faire sans dès l’année prochaine, mais pas question pour autant de fermer l’établissement pour son directeur : « L’association Al-Kindi a indiqué, dès le début de cette histoire, que l’établissement poursuive son aventure, sous contrat ou hors contrat. Nos équipes travaillent pour répondre à cette possibilité » nous assure Abdelouahb Bakli.
Dès le lendemain de la décision préfectorale, les équipes de l’ensemble scolaire ont lancé une cagnotte en ligne. Ils en appellent à la générosité, à la fidélité et au soutien notamment des parents d’élèves : « Tous mes enfants sont passés par Al-Kindi. Le premier est dentiste, la deuxième a également un très bon poste, la troisième tente médecine, et on est confiant, donc pour les deux autres, je veux la même chose. On va serrer la ceinture, on partira moins en vacances, mais il est hors de question que mes enfants aillent ailleurs » nous assure l’un d’eux.
La perte du contrat de l’ensemble scolaire Al-Kindi rappelle le dossier du lycée Averroès de Lille, qui a perdu son contrat d’association l’an dernier. L’un de ses fondateurs, Makhlouf Mameche, est également président de la fédération qui tente de structurer le monde de l’enseignement privé musulman en France, la FNEM (Fédération de l’enseignement privé musulman). Une structure créée en 2014, et qui questionne les pouvoirs publics. Makhlouf Mameche est un ancien de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France, renommée depuis Musulmans de France), une structure réputée proche des Frères Musulmans : « On ne reçoit à la fédération aucune directive, aucune orientation (…) nous ne sommes pas des Frères Musulmans. Ils sont ailleurs, ils ont leur stratégie. Moi, je suis en France, je respecte les lois de la République, mon hymne national c’est La Marseillaise, mon drapeau c’est le drapeau tricolore, et ma religion, c’est l’Islam » se justifie Makhlouf Mameche. Reproche d’une proximité éventuelle avec les Frères Musulmans qui s’applique également à Abdelouahb Bakli, ancien membre de l’UOIF.
Un argument sur lequel la Région AURA a appuyé pour justifier sa propre décision d’arrêter immédiatement ses subventions, sans attendre la rentrée prochaine.
Aujourd’hui, avec cette perte de contrat, l’enseignement privé musulman représente 59 établissements partout en France, seulement 8 sont sous contrat partiel avec l’État.
Le recteur de la Grande Mosquée de Lyon et président du Conseil des Mosquées du Rhône Kamel Kabtane adresse une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour « qu'il prenne pleinement conscience de l'injustice qui frappe le lycée Al-Kindi et ses élèves » et qu'il agisse « en faveur d'une solution équitable qui permette à cette institution de poursuivre sa mission éducative dans des conditions dignes ».
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