En lisant le livre d’Amélie Nothomb, "Soifâ¯" paru en cette fin d’été, je me suis demandé si, finalement, c’était les catholiques pratiquants qui parlaient le mieux de leur religion… Voilà des années que l’Église demande à ses ouailles de devenir "missionnairesâ¯", de faire connaître l’Évangile, et il faut bien dire que l’on est à la peine. Alors que des gens bien plus éloignés, voire totalement éloignés, semblent, eux trouver les mots qu’il faut pour toucher les non-croyants, avec une facilité déconcertante.
Regardez Amélie Nothomb. Son dernier roman est une Passion de Jésus, écrite à la première personne du singulier, et qui ne s’embarrasse guère des canons habituels de l’Église. Et voilà qu’elle fait les une des magazines depuis quinze jours, qu’elle est invitée sur les radios, où, à des heures de grande écoute, elle parle tranquillement de sa relation intime avec Jésus, devant des journalistes sidérés et étrangement respectueux. Son livre est déjà un succès et touche les gens. C’était pareil avec le film Lourdes, de deux réalisateurs Thierry Demaizière et Alban Teurlai, très loin de la religion, et qui ont abordé leur sujet sans plus d’a priori qu’ils avaient parlé de Rocco Siffredi, star du film pornographique, dans leur précédent documentaire… Eh bien ce film parvient à toucher mieux que dix mille homélies tout ce qui se joue, d’humain et de divin, à l’ombre du rocher de Bernadette.
Alors ? Comment expliquer cet impact, là où nous, fidèles, prêtres et évêques, avons tant de mal à intéresser ? Sans doute parce que ces personnes abordent la Parole de Dieu sans filtre, dans une société sans culture chrétienne, qui a besoin d’une première mise en relation plus directe. Cette mise à nu leur permet de redécouvrir la force d’un message que, à force d’habitude, nous ne savons plus voir. Amélie Nothomb a raison dans son livre de s’indigner devant la crucifixion. Oui, la croix est un scandale, et non un aboutissement logique de la vie de Jésus. De même, nous oublions ce qu’une religion incarnée dit du corps, de l’amour, de la souffrance. Amélie Nothomb le rappelle de manière puissante et charnelle. Tout comme le film Lourdes, à partir simplement des visages des malades.
Nous devons accepter d’en finir avec les termes appris au catéchisme, et que plus personne ne comprend, sortir de notre bocal où, comme des petits poissons rouges, nous nageons sans nous préoccuper de savoir si l’on nous entend vraiment. Dans une société qui n’est plus christianisée, le langage de la foi ne peut être un langage catholique, du moins pour un premier contact. Sinon, nous risquons de passer à côté des aspirations de nos contemporains, de leur "Soifâ¯", pour reprendre le titre – significatif – du livre de Nothomb.
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