Les actes homophobes ont augmenté de plus de 30% l’an dernier selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Les associations de défense des personnes LGBT témoignent elles aussi de l’accroissement des agressions. Il y a quelques jours en Vendée, à la Roche-sur-Yon, des jeunes gens en ont agressé d’autres parce qu’ils étaient homosexuels. Début avril dans sa lettre à la jeunesse Christus Vivit, le pape François affirmait que l’Église catholique était engagée contre toute discrimination et contre tour violence liée à l’orientation sexuelle. Nous faisons le point sur la lutte contre l’homophobie et l’intégration des personnes homosexuelles au sein des communautés chrétiennes.
Anthony Favier est historien, spécialiste du genre et co-président de l’association David et Jonathan. Cette association chrétienne regroupe des femmes et des hommes homosexuels qui ont « une demande de spiritualité ». L’association créée il y a 45 ans est ouverte aux catholiques et aux protestants, et plus largement aux personnes en quête de sens.
Pour les homosexuels, ou de manière générale les personnes qui ont « une identité de genre différente » l’épreuve de l’homophobie est vécue « en permanence ». Une discrimination tellement normalisée qu’elle fait partie du quotidien des personnes LGBT, explique Anthony Favier. Avec les débats autour du mariage pour tous et de la bioéthique, comme il est possible de s’afficher « un peu plus ouvertement homosexuel », les personnes LGBT se retrouvent dans une situation de vulnérabilité. Agressions de rue, dans les transports en commun, discrimination au travail sont aussi la conséquence « d’une plus grande visibilité », selon Anthony Favier.
Le co-président de l’association David et Jonathan se dit inquiet de cette augmentation de 30% des actes homophobes : « Tout acte de violence, tout acte de haine, c’est le témoignage d’un échec », mais aussi le témoignage de la radicalisation de certains groupes. Cependant, cette libération de la parole a fait que « les personnes LGBT ne se laissent plus faire » notamment en allant porter plainte, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. Anthony Favier salue le travail de SOS Homophobie qui recense et rend visibles ces discriminations.
Des discriminations habituelles aussi pour l’association David et Jonathan, habituée à recevoir des « messages d’insultes ». Mais l’année dernière, pour la première fois, l’association a reçu une lettre de menaces de mort, indicateur supplémentaire d’une intensification des actes anti-LGBT.
Anthony Favier explique qu’il s’agit d’un « mot-valise qui désigne plein de choses ». L'homophobie est à la fois la discrimination au travail et à l’embauche et les actes de violence. Mais elle peut aussi être plus « douce » et plus « insidieuse », une « zone grise » qui comporte « tous les discours qui conduisent les personnes à se sentir vulnérables ».
Anthony Favier évoque notamment le discours conservateur qui voudrait que les personnes LGBT soient « malheureuses ». Sans forcément tomber sous le coup de la loi, ce type de discours va présenter les identités LGBT comme quelque chose d’anormal. Anthony Favier explique qu’en ne présentant pas aux enfants les alternatives au modèle « papa, maman, enfant », on les met dans des situations de « vulnérabilité affective ».
Encore aujourd’hui, de nombreux jeunes sont chassés du domicile familial en raison du refus de leur orientation sexuelle. Anthony Favier cite l’exemple de l’association Le Refuge qui accueille les jeunes en rupture familiale en raison de leur orientation sexuelle. Anthony Favier explique que ces ruptures viennent d’une « colère » des parents qui ont l’impression d’avoir fait quelque chose de mal. Tout le travail des associations consiste à faire accepter à ces familles la différence de leur enfant.
Dans la lutte contre l’homophobie « l’école est un terrain majeur d’intervention ».
Anthony Favier tient à souligner les « immenses progrès » de l’éducation nationale dans la sensibilisation des élèves aux questions liées à l’orientation sexuelle. Le problème persiste cependant dans l’enseignement privé catholique, avec peu d’interventions d’associations et parfois la persistance de discours discriminants. Il lance un appel à l’enseignement privé catholique « Ouvrez vos portes aux associations LGBT pour parler avec les adolescents ».
Depuis les années 60 et 70, des mouvements religieux n’acceptent pas la dépénalisation de l’homosexualité, et ont essayé de faire de l’homosexualité « quelque chose dont il faut se débarrasser ». Les communautés évangéliques aux Etats-Unis ont mis au point des « thérapies de guérison » destinées aux homosexuels. Une pratique « dangereuse » qui relève de « l’abus psycho-spirituel » envers les personnes LGBT. Un danger d’autant plus important que « les personnes homosexuelles qui ne s’acceptent pas sont vulnérables ».
Il y a six ans, la loi sur le mariage pour tous était adoptée. Un combat pour « une citoyenneté vraiment républicaine » selon Anthony Favier. Dans l’Église, les choses sont différentes. L’Église protestante unie de France fait des bénédictions de couples homosexuelles dans les paroisses qui l’acceptent. On en est encore loin dans l’Église catholique, selon Anthony Favier. Mais le co-président de l’association David et Jonathan souligne tout de même que depuis les deux synodes sur la famille et les discours du pape François « L’atmosphère a changé », et aujourd’hui « entre un tiers et quarante pour cent des diocèses ont des propositions pour les familles ou les personnes concernées par l’homosexualité ».
Cependant des questions continuent à se poser, notamment l’interdiction de devenir prêtre pour les personnes homosexuelles ou celles qui « soutiennent la culture gay ». D’autres discriminations existent toujours dans l’enseignement catholique. Pour Anthony Favier, tout l’enjeu est que l’Église catholique soit capable de poser « un geste d’amour et de fraternité » aux personnes LGBT.
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