Tout a commencé avec la proposition de loi du député du Morbihan Paul Molac, membre du groupe Libertés et Territoires, qui vise à protéger et à promouvoir les langues régionales. Elle avait été adoptée le 8 avril dernier au Parlement mais plusieurs députés ont saisi le Conseil constitutionnel. Le couperet est tombé il y a plus de 10 jours : les Sages ont censuré deux articles. D'abord, l’article 9 qui autorise les signes diacritiques régionaux dans l’état-civil. Puis l’article 4 qui autorise l’enseignement immersif dans le secteur public, une méthode où l’on apprend par exemple les mathématiques en langue basque.
Le Conseil constitutionnel estime que ces deux dispositions vont à l’encontre de l’article 2 de la Constitution selon laquelle "la langue de la République est le français". Une censure que ne comprend pas le député Paul Molac. "On n’a guère d’autre solution que de modifier la Constitution. Ce n’est pas marqué 'le français est la seule langue de la République' mais le Conseil constitutionnel l’interprète comme ça. Il a trouvé qu’une méthode pédagogique utilisée depuis plus de 50 ans en France était anticonstitutionnelle, notamment pour l’enseignement public et associé. La menace est très claire, c’est : 'Si vous continuez votre méthode pédagogique immersive, on vous retire votre agrément, l’Etat ne paye plus les professeurs'", regrette le député.
Environ 15.000 enfants bénéficient de l’enseignement immersif en France. Ils apprennent à la fois leur langue régionale, le Français et d’autres langues. Il y a les écoles Diwan en Bretagne par exemple mais aussi les Calandretas pour l’Occitan. Dans ces écoles, on parle la langue régionale aussi dans la cour de récréation et avec les professeurs hors des classes. Une méthode très bénéfique qui permet aux enfants d’être plurilingues dès le plus jeune âge. Avec cette censure, Jean-Louis Blenet craint une disparition de sa langue, l'occitan. "On est reconnu en France comme étant un pays rétrograde sur les méthodes d’enseignement des langues donc j’ai peur qu’on veuille tuer nos langues car elles sont en grande difficulté. On est d’autant plus inquiet que nous le breton et l’occitan, le jour où on les parle plus en France, c’est plus parlé sur Terre. on a les moyens économoques, pédagogiques et sociologiques de transmettre nos langues", affirme le co-président du réseau Calandreta et président de l’Institut supérieur des langues de la république française. Selon l’UNESCO, plusieurs langues régionales en France sont en danger d’extinction.
Les langues régionales font partie de l'histoire et du patrimoine de ceux qui les parlent. "C’est qui je suis", affirme Jean-Louis Blenet. Pour autant, elles n’ont pas de statut très précis. Elles sont inscrites dans la Constitution comme faisant partie du patrimoine de la France. Bien différent du Français, langue officielle du pays. Pourtant, le gouvernement les tolère. "C’est hyper schizophrénique de la France car les écoles Calandreta, Diwan étaient financées par les régions, les communes et cet argent sortait également de la poche de l’Etat. Vous avez aussi chaque année des maires qui prennent la décision de doubler le nom de leur ville sur les panneaux. Il y a une tolérance mais aucun statut officiel. La loi Molac venait mettre de l’ordre dans ce truc bizarroïde", assure Mathieu Avanzi, linguiste et maître de conférences à Sorbonne Université.
Le nœud du problème, c'est que le pouvoir central craint une autonomisation des régions. "On est longtemps parti de l’idée que pour l'union de la République, il fallait une seule langue. Aujourd'hui, cet argument n’est plus d’actualité. La France est très centralisée autour de Paris. On veut que les gens soient d’abord français avant d’être provinciaux mais ça ne marche pas comme ça", analyse Mathieu Avanzi.
Pour toutes ces raisons, député Paul Molac mais aussi le Haut Commissaire au Plan et Béarnais François Bayrou souhaitent réviser la Constitution. Pour cela, il faudrait soit un vote du Parlement aux trois cinquième soit organiser un référendum. Possible mais difficile.
Mais il y a d’autres recours, comme une réécriture de la loi. La position du Conseil consitutionnel n’est pas très claire. Difficile de savoir s’il s’oppose à l’enseignement immersif en soi, sans condition où si cela concerne surtout le fait de parler une autre langue à l’école hors des classes. Avec une réécriture de la proposition de loi, la censure pourrait être contournée. "On peut penser qu'il est possible d'offrir un projet éducatif original. Il serait possible en l'état constitutionnel de consacrer dans le service public la méthode par immersion si on en précise les termes et qu'on le fait entrer dans une filière optionnelle", explique Jordane Arlettaz, professeure de droit public à l’université de Montpellier et spécialiste des langues régionales.
Le Premier ministre, Jean Castex a annoncé qu'il allait confier "à deux députés une mission" pour tirer "toutes les conséquences" de la décision du Conseil constitutionnel.
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