La loi asile et immigration est actuellement en débat à l’Assemblée nationale. Un projet de loi controversé y compris dans les rangs de la majorité présidentielle.
Plusieurs associations, dont la Cimade, dénoncent depuis longtemps ce projet de loi, qui ne serait pas équilibré, qui penche vers une logique répressive, de contrôle, de tri, d’enfermement, de volonté d’expulser voire de bannir les personnes. Pour le vicaire général de l’archidiocèse de Paris, Mgr Benoist de Sinety, auteur de "Il faut que les voix s’élèvent" (éd. Flammarion), "c’est quand même préoccupant que les principaux acteurs associatifs qui prennent en charge l’accompagnement des migrants depuis des années soient à ce point tenus à l’écart de toute réflexion sur ce projet".
Ce dernier s’étonne de la résistance française à réfléchir de manière humaine à l’accueil de ces personnes, et à leurs demandes. "Chacun peut se parer de valeurs humanistes. Une chose est de dire les choses, une autre est de les appliquer. On peut tenir tous les discours que l’on veut, après il faut mettre en pratique" précise Mgr Benoist de Sinety.
Le vicaire général de l’archidiocèse de Paris s’inquiète également de l’espèce de concurrence de la pauvreté qui règne en France. "On ne peut pas opposer les pauvres aux pauvres. Pour un chrétien, c’est quelque chose qui n’est pas possible" lance Mgr Benoist de Sinety, qui semble ne pas croire à la théorie de l’appel d’air, selon laquelle une amélioration des conditions de vie et des infrastructures conduirait d’autres migrants à affluer vers l’hexagone. "Quand on regarde le nombre de migrants qui viennent dans notre pays, c’est incomparablement moindre que dans les autres pays européens" précise-t-il.
"Ces gens qui arrivent portent en eux des failles psychologiques colossales. Ils ont vécu des souffrances abyssales. On les laisse crever sur le trottoir, sans psychologues. Ils se cachent. Dans cinq ans, quel sera leur état d’esprit par rapport à nous ? N’est-on pas en train de fabriquer parmi eux les poseurs de bombes de demain ?" s’interroge Mgr de Sinety, qui témoigne d’une forme de conversion personnelle sur ce sujet.
"Je n’ai aucune exaltation à voir des gens quitter leur pays. Je ne suis pas le chantre du métissage intégral. Je constate. Dans ma vie de prêtre, j’ai été en contact avec des hommes et des femmes qui avaient dû quitter leur pays. J’ai été mis en contact brutal avec cette détresse, cette solitude, où je n’ai jamais vu ni le désir de profiter d’un système ou de s’accaparer des privilèges. J’ai réalisé qu’il y avait une parole de l’Évangile dont on ne pouvait pas faire fi. Accueillir l’autre, ce n’est pas lui dire oui à tout. Je ne dis pas qu’il faut dire oui à toutes les demandes, je dis que rien ne justifie l’inhumanité" explique Mgr de Sinety.
Sur le plan européen, Mgr de Sinety estime que l’on entretien une mémoire de l’invasion. "Il y a une autre peur très préoccupante, une angoisse qui habite notre pays, la peur de ceux qui ne savent plus qui ils sont. Nos peurs s’entretiennent par des tabous. On n’ose plus parler publiquement des choses. Il y a deux manières de mener le débat public, soit dans le tabou et les angoisses, soit en essayant de trouver des lieux et des cadres où les gens peuvent exprimer librement ce qu’ils ont sur le cœur".
Face à cela, Mgr de Sinety estime dans son dernier essai qu’il nous faut proposer une espérance. "Tout cela révèle un malaise profond de notre société, de notre monde, de notre société occidentale fondée sur les valeurs judéo-chrétiennes. On est aujourd’hui comme enfermé dans des nasses qui se referment sur nous. Il est temps de pouvoir remettre à plat tout cela et que les dirigeants de nos pays puissent ouvrir une réflexion. Cette crise est une opportunité spirituelle" conclut-il.
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