Il y a 30 ans, le paysage associatif strasbourgeois se dotait d’un acteur majeur dans la prévention et la prise en charge des addictions. Aujourd’hui, l’association Ithaque fête ses 30 ans. Véritable centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, Ithaque est l’une des rares structures à superviser une salle de consommation à moindre risque.
Il y a 30 ans naissait à Strasbourg l’association Ithaque. A l’époque, ce nom n’était pas encore celui de la structure actuelle, mais dès le départ, son objectif principal est celui de la prévention et du soutien des usagers de drogue. Il faut donc remonter en 1993, année au cours de laquelle est lancée un programme d’échange de seringues. L’époque est celle des contaminations au VIH. Aussi, Médecins du Monde souhaite réduire les risques en lançant une implantation associative locale.
Au fil des années, la structure va évoluer : d’un premier lieu d’accueil et de soin aux interventions en milieu festif, le projet se concrétise encore plus en 2016 avec l’ouverture de la salle Argos, une salle de consommation à moindre risque, couramment nommée dans la presse ‘Salle de shoot’. Jusque là, seul Paris dispose d’un tel lieu. Grâce au soutien de la municipalité et de l’Agence régionale de Santé, Strasbourg suit cette même dynamique. Chaque jour, les usagers franchissent volontairement le pas de la porte de cette structure hors norme pour trouver un refuge en dehors des périls de la rue. Sur place, un accompagnement médical, psychologique et humain leur est proposé. L’objectif est clair : proposer un lieu sécurisant avec, à la clé, un passage vers le début d’une démarche de soin.
Entre-temps, un espace d’hébergement s’est joint à la structure. Depuis 2016, la fréquentation ne faiblit pas, au contraire. Pour l’association, l’accompagnement est primordial, pour réduire les risques de la rue. Une démarche qui semble aujourd’hui opposée à celle défendue par le gouvernement : la voie de la répression. Pour le directeur d’Ithaque, Gauthier Waeckerle, prévention et répression ne doivent pourtant pas s’opposer. Un récent rapport de l’inspection des affaires sociales abonde dans son sens. Portant sur les salles de consommation à moindre risque, il confirme le bien fondé de ces lieux quasiment absents du paysage français. Après une inspection menée pendant plusieurs semaines dans les locaux d’Argos, il valide le processus d’accompagnement, appuyant notamment l’aspect préventif d’une telle démarche : il ne s’agit pas de favoriser le geste des usagers mais de leur proposer un lieu sûr pour peu à peu, les aider à décrocher. Pourtant, les projets de nouvelles salles sont systématiquement avortés : Bordeaux, Lille et plus récemment Marseille, se sont soldées par un échec. La faute à un manque de volonté politique, les décideurs n’osant certainement pas s’attaquer au tabou encore très présent autour de l’addiction aux drogues dures. Pourtant, l’association Ithaque le confirme : leur usage ne cesse d’augmenter. La suite risque d'être difficile : pour l’instant au stade d'expérimentation, la salle Argos a besoin d’un renouvellement officiel de son autorisation, pour poursuivre sa mission d’accompagnement et de prévention. Du côté d’Ithaque, une veille sanitaire serait la bienvenue pour analyser les produits ramenés par les usagers. L'association aimerait aussi augmenter ses capacités de prise en charge dans le parcours de soins, pour réduire les délais d’attente aujourd’hui trop longs.
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