L'instauration de la loi martiale aux Philippines. C'est ce que craint une partie de la population mais aussi l'Eglise catholique après la large victoire de Ferdinand Marcos Junior lundi 9 mai dernier à l'élection présidentielle. Depuis plusieurs mois, les évêques tentaient de faire entendre leur voix contre le candidat favori des sondages...
Ferdinand Marcos Junior n'est ni plus ni moins que le fils de l’ancien dictateur Ferdinand Marcos dont le règne de 20 ans s'est terminé par une révolte publique. Le soulèvement populaire avait eu raison de la dictature de son père et avait condamné sa famille à l’exil. Alors la perspective d’un retour de la famille Marcos au pouvoir, 36 ans après sa chute, laisse aujourd’hui planer une atmosphère pour le moins tendue. C’est ce qu'a confié le père Matthieu Dauchez, prêtre français du diocèse de Manille, sur RCF. Il dirige ANAK-Tnk, une fondation qui accueille les enfants des rues.
"L’atmosphère est plutôt tendue parce que l’enjeu est monumental aux Philippines. C’est le retour de la dynastie Marcos après cette révolution pacifique des années 80. Les gens ici sont très marqués. C’est assez tendu. En fonction de la politique que va mener le fils de l’ancien dictateur, il y aura sûrement une réaction de l’Eglise et une opposition qui va se mettre en place. C’est ça qui va créer des tensions" explique-t-il notamment.
Le retour à la dictature Marcos, une éventualité pressentie par l’Eglise catholique aux Philippines. En février dernier, les évêques du pays avaient dans une lettre pastorale, appelé les fidèles à voter “pour la justice climatique, la lutte contre la corruption endémique, la lutte contre la faim et la pauvreté…” Sans prendre nommément parti, la Conférence épiscopale des Philippines avait exhorté les électeurs à privilégier "la recherche du bien commun" pour orienter leurs voix. A l’approche du scrutin, évêques et prêtres étaient mêmes nombreux à prendre parti pour Leni Robredo, l'actuelle vice-présidente.
"Les diocèses ne se sont pas cachés d’un soutien très clair à Leni Robredo, qui s’est présentée contre Marcos. Les évêques ont été un peu plus subtils que ça. Ils ne se sont pas prononcés pour la candidate, mais contre la dictature. En revanche j’ai vu beaucoup de prêtres ici dans les paroisses de Manille, qui prenaient clairement partie pour la vice-présidente actuelle, et je pense effectivement que c’est un peu risqué. L’Eglise ne s’est pas prononcée officiellement, mais officieusement c’est très clair. Cela risque de créer des tensions" ajoute le père Matthieu Dauchez.
La fondation Anak-Tnk du père Matthieu Dauchez vient en aide aux enfants des rues depuis 24 ans à Manille. Aujourd’hui 450 enfants sont accueillis dans 27 foyers. La fondation accompagne aussi 1.500 familles dans les bidonvilles. Le retour de la dictature Marcos peut-elle avoir un impact sur l’action de la fondation? Réponse du père Matthieu Dauchez.
"Je ne crains pas du tout pour la fondation. L’œuvre aide clairement le gouvernement. On fait le travail que devrait faire le gouvernement. En revanche ce que je peux craindre, c’est que le soutien de l’Eglise, qui est une grande aide aujourd’hui, sera moindre à l’avenir, car elle aura moins de marge de manoeuvre" conclut-il sur RCF.
Avec environ 76 millions de fidèles, les Philippines abritent la troisième plus grande population catholique du monde, derrière le Brésil et le Mexique.
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