C’est une conséquence de la crise sanitaire à laquelle on ne s’attendait pas forcément : le nombre d’actes de chirurgie esthétique a augmenté de 20 à 30 % en un an en fonction des régions. Ce sont les chiffres des professionnels du secteur. Malgré le Covid-19, des opérations ont pu avoir lieu. Et pour beaucoup de patients, la crise les a poussé à franchir le pas.
La crise sanitaire et les confinements ont été une sorte de coïncidence heureuse pour Eloïse. Cette étudiante niçoise de 20 ans projetait depuis 10 ans de se faire refaire le nez. Elle économisait depuis cinq ans grâce à son alternance et ses jobs d’été. Il faut compter quand même jusqu’à 8000 euros pour une rhinoplastie. L'argent a donc été réuni plus vite que prévu pour Eloïse puisqu’elle a eu très peu de dépenses à cause des restrictions. "Avec tous les confinements, ça a engendré moins de dépenses. On a été obligé de faire des concessions sur nos plaisirs donc ça m'a aidé à réunir plus vite le budget", explique-t-elle.
En France, en 2020, 98 milliards d’euros ont été épargnés de façon contrainte, faute de dépense dans les loisirs par exemple. C’est un phénomène qu'a analysé l’économiste Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE.
Avec le confinement et le télétravail, la convalescence peut être un peu plus confortable. Il est possible de travailler avec un plâtre sur le nez ou des points de suture. "Ça m’a aidé d’être à l’école en visio la semaine plutôt que de me déplacer sur site et d’être pas très en forme", confie Eloïse. La crise sanitaire est devenue le moment idéal pour des interventions. Nul besoin de poser des congés pour la convalescence, on peut télétravailler. Avec le masque, on peut cacher certaines pansements aussi.
La confinement a eu une vraie incidence sur la prise de rendez-vous des patients. "Les gens ont grossi pendant le confinement, ont besoin d’une lipo-aspiration. On travaille d’autant plus que les gens focalisent sur eux-mêmes puisque c’est la seule liberté qu’il leur reste. Ils ont envie de s’occuper d’eux. C’est le moment idéal pour faire certaines interventions", affirme le docteur Catherine Bergeret-Galley. Elle est chirurgien plastique à Paris et secrétaire général du syndicat National de Chirurgie Plastique Reconstructrice et Esthétique. Les motivations ont changé mais les demandes sont de la même nature qu’avant la crise.
La crise sanitaire a aussi pu jouer le rôle de révélateur pour certains complexes. Alors que presque toutes nos interactions se font en visioconférence, ce temps passé derrière un écran peut changer le rapport que l’on a avec sa propre image. "Non seulement on est soumis de manière beaucoup plus constante au regard de l’autre. On ne peut pas fuir le regard et en même temps notre visage apparaît aussi, on se regarde. Pour les personnes qui ont des difficultés avec leur image, ça peut être extrêmement douloureux", analyse Elsa Godart. Elle est psychanalyste, philosophe, directrice de recherche à l’université Gustave Eiffel à Paris.
Il faut tout de même noter que de nombreuses opérations ont été déprogrammées. Mais pas toutes. Lorsque des cliniques spécialisées n'ont pas de service de réanimation, elles ne sont pas contraintes aux déprogrammations. Certains praticiens confient toutefois une gêne de parler de l’augmentation de ces actes en pleine crise sanitaire.
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