Voici une polémique qui agite l’opinion publique depuis des années, au gré des révélations, et des différentes études qui se succèdent. Pour Guillaume Pitron, journaliste, spécialiste de la géopolitique des matières premières, et auteur de "La guerre des métaux rares" (éd. Les liens qui libèrent », il s’agit d’une "énorme question". "Passer d’une énergie produite par le solaire ou l’éolien serait, tel qu’on le présente, la condition d’un monde plus vert, plus solidaire, plus respectueux de l’environnement. Simplement, toutes ces technologies ont un impact considérable sur la planète. Il faut aller chercher beaucoup de métaux et de minerais pour fabriquer ces technologies vertes, qui vont produire cette énergie verte. Or l’extraction et la pollution générée par ces matières premières, au bout du monde, a de forts impacts environnementaux" explique-t-il notamment.
L’exemple des batteries est sans doute le plus flagrant. Nos smartphones, nos vélos électriques, nos trottinettes sont aujourd’hui équipées de batteries très puissantes, capables de délivrer suffisamment d’énergie pour fonctionner. Ces batteries sont elles-mêmes constituées de métaux rares, que l’on va extraire à l’autre bout de la planète, souvent dans des conditions très néfastes pour l’environnement proche. "Nous sommes entourés d’une quarantaine de métaux rares qui ont des propriétés physiques exceptionnelles, et dont on ne peut pas se passer aujourd’hui, pour les technologies vertes et pour les technologies numériques. On les trouve partout sur terre. On pourrait ouvrir des milliers de mines sur terre, mais certains pays assument ce fardeau minier, ce qui fait que la pollution est très concentrée" ajoute Guillaume Pitron.
Des métaux rares, mais sales. "Vous allez extraire de la roche pour obtenir un kilo de fer. Pour la même quantité de roche, vous allez obtenir un gramme de néodyme. Le travail pour obtenir un gramme va être particulièrement complexe. Il faut extraire la roche, puis la raffiner, ce qui implique le recours à beaucoup d’eau, d’acide. L’eau n’est pas forcément traitée. Cela a un impact colossal. Vous avez une image de la pollution générée par ces mines, ces usines, avec des rejets toxiques dans les lacs, avec des gens qui vivent autour, qui vous parlent de maladie des os de verre, de cancer. C’est en tout point opposé à l’image verte et vertueuse que l’on veut donner à ces technologies, mais c’est la réalité" lance le journaliste.
Aujourd’hui, la Chine est en pôle position dans cette très polluante course aux métaux rares. Assoiffée de croissance, elle a émis moins de réserve que les pays occidentaux, qui bénéficiaient pourtant des gisements et des technologies pour extraire ces métaux rares. Ce pays a donc, dès les années 90, commencé à extraire à marche forcée ces métaux rares, avec les conséquences désastreuses pour l’environnement que l’on connaît aujourd’hui. Mais le secteur génère de l’emploi et de la croissance, assurant la légitimité du parti communiste chinois, alors les choses continuent.
Pour Guillaume Pitron, les métaux rares sont véritablement en train de changer le monde. "De la même façon que le pétrole et le charbon ont changé le monde. Le XIXème siècle fut un siècle britannique. Le XXème siècle fut un siècle américain notamment. Et le siècle qui arrive, avec les métaux rares, sera un siècle évidemment chinois. Ils tiennent les métaux, et tiennent les technologies vertes et numériques. Pour cette raison, la Chine va remonter la chaîne de valeur et monter en puissance" estime-t-il.
Il y a véritablement aujourd’hui une géopolitique des matières premières. Car ces métaux sont stratégiques. "Il y a à Bercy un comité des métaux stratégiques. Cela va avoir un impact sur notre sécurité, car il y a une tension entre l’offre et la demande, entre les pays producteurs et les pays acheteurs. Et puis enfin, car ces métaux rares, on les trouve dans les technologies d’armement. Les besoins ne sont pas énormes, mais il faut bien les avoir. Et là encore, la dépendance avec la Chine est problématique" conclut le journaliste, qui, provoquant, estime que la solution serait sans doute d’ouvrir des mines en France.
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