Chaque début d’année, l’INSEE révèle son bilan démographique pour l’année écoulée. 2024 confirme une tendance qui s’inscrit sur le long terme : les Français font de moins en moins d’enfants.
'Au 1er janvier 2025, la France compte 68,6 millions d’habitants, soit 0,25 % de plus qu’un an auparavant.’ Le bilan démographique de l’Insee confirme une hausse de la population française pour l’année écoulée. Pourtant, cette croissance ne s’accompagne pas d’une hausse des naissances. Au contraire, elles continuent de baisser dans l’hexagone : -2.2% par rapport à 2023, soit 663 000 bébés nés en 2024.
Cette ambivalence n’est pas nouvelle. Les chiffres révélés par l’INSEE confirment ce qui est désormais considéré par les démographes comme une tendance de fond. L’espérance de vie se stabilise mais le taux de fécondité diminue. C’est ce facteur que les spécialistes étudient. Il correspond au comportement des femmes en mesure de procréer. En résumé : les femmes pouvant avoir un enfant sont de moins en moins nombreuses à passer à l’acte.
Pour aller plus loin dans l’interprétation de ces données, les démographes analysent l’indice conjoncturel de fécondité. Cette sorte de ‘moyenne’ permet de comparer la France avec les autres pays. Aussi en 2024, s’élève-t-il à 1.62 enfant par femme, soit un recul qui là encore, s’inscrit dans le moyen terme : depuis 2010, ce chiffre ne cesse de diminuer. Il faut même remonter au lendemain de la Première Guerre mondiale pour trouver un indice de fécondité aussi faible. La France rejoint ainsi une tendance européenne, là où jusque-là, elle faisait figure de ‘nation résistante’. On la retrouve donc, aux côtés de l’Allemagne, pour qui la baisse du taux de fécondité est plus ancienne.
Comment dès lors comprendre ce phénomène ? Les raisons semblent multiples et ne trouvent pas consensus au sein de la sphère scientifique. Pour le démographe strasbourgeois Didier Breton, la raison majeure serait d’ordre politique et sociale. Les Françaises et Français, qui jusque-là, plaçaient leur confiance dans la politique familiale nationale, semblent désormais plus méfiants. L’image de l’Etat providence serait peu à peu gommée dans les esprits, pour laisser place à l’incertitude des lendemains. Le contexte économique peut en partie expliquer ce changement. De plus en plus de couples doivent faire des choix et repoussent à plus tard leur projet de parentalité.
Pour Didier Breton, ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus large de changement de valeurs. Au manque de confiance dans le futur s’ajoute un changement de mœurs, pour lequel la parentalité n’est plus une fin en soi. Les femmes notamment, assument de plus en plus un désir de ne pas être mère, ou la volonté de prioriser, dans un premier temps, leur carrière. Faire des bébés n’est donc plus une évidence partagée par tous.
Un constat qui inquiète les politiques. Emmanuel Macron, le premier, avait évoqué sa volonté de mettre en place un ‘réarmement démographique’. Une sémantique belligérante pour qualifier une situation grave aux yeux des décideurs. La baisse des naissances obligerait notamment les institutions publiques à revoir leur mode de fonctionnement, à commencer par l’enseignement. Un chantier profond, chronophage au monde politique. Pas sûr, pour Didier Breton, que la transformation en surface de la politique nationale française, notamment en faveur du premier enfant, changerait la donne. De son expérience de démographe, les Etats qui ont tenté d’inverser la tendance par cette approche, n’ont jamais connu de réussite franche. Si la volonté individuelle de ne pas avoir un enfant est présente dans les esprits, aucune politique publique ne pourra totalement l’éliminer.
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