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"Balance ton bar" : de nombreux témoignages sur des intoxications au GHB en soirée

Un article rédigé par Clara Gabillet - RCF,  - Modifié le 18 novembre 2021
Le dossier de la rédaction"Balance ton bar" lève le voile sur le fléau du GHB dans les soirées

Laure Beccuau, la procureure de Paris, a annoncé mercredi l’ouverture d’une enquête concernant des violences sexuelles liées à des bars dans la capitale. C’est le cas aussi dans d’autres villes françaises. Un phénomène qui semble s’aggraver. Cela fait des semaines que des femmes alertent sur les violences sexuelles subies dans les bars et boîtes de nuit, sous le hashtag "Balance ton bar". Certaines affirment avoir été droguées à leur insu.

Image d'illustration © UnsplashImage d'illustration © Unsplash

Généralement la soirée commence bien puis c’est le trou noir. C’est ce qu’on retrouve dans la quasi-totalité des dizaines de témoignages recensés sur le compte Instagram "Balance ton bar", créée à Bruxelles en Belgique. "Il y avait beaucoup de monde. Après une heure, je ne retrouvais plus mes amis. J’avais bu un seul verre. Black out total. Deux filles me retrouvent angoissée, par terre aux toilettes. Elles me demandent ce que je fais à terre. Je n’avais aucun souvenir. Ma culotte avait été retirée, je suis persuadée que j’ai été droguée et abusée", peut-on lire sur le réseau social. De telles situations existent aussi en France. Certains faits sont anciens, d’autres plus récents.  

 

"On a l’impression que les fêtards ont perdu peut-être les bonnes pratiques qui ont succédé au mouvement 'Me Too'. Et puis il y a eu beaucoup de mesures sanitaires à mettre en place donc il y a des organisateurs qui n’ont pas forcément mis en place des mesures de prévention contre les violences sexistes et sexuelles", analyse Mathilde Neuville, présidente et co-fondatrice de l’association Consentis qui lutte contre les violences sexuelles dans les milieux festifs. Elle insiste sur le fait que des enquêtes sont actuellement en cours pour quantifier le phénomène et en expliquer les causes. 

 

Le GHB, une drogue qui provoque des trous noirs

 

Presque tous les témoignages mènent à une conclusion : les victimes ont pu être droguées à leur insu, notamment par du GHB, le gamma-hydroxybutyrate, surnommée la "drogue du violeur", relativement accessible. À la base c’est une substance produite à petite dose par notre cerveau. Elle est maintenant recréée de manière industrielle pour en faire une drogue qui prend la forme liquide ou d’une poudre blanche et peut donc se diluer dans un verre. Elle agit sur notre système nerveux en diminuant l’état de conscience, le rythme cardiaque et respiratoire. Cela peut s’apparenter au fait de trop boire d’alcool. 

 

Quand les agresseurs l’utilisent, ils cherchent à provoquer un trou noir. "Ce qui est recherché par les agresseurs c’est cette sédation et cette amnésie, que ce soit le GHB ou tout autre substance utilisée plus communément, tout ce qui est benzodiazépine utilisée pour les troubles anxieux. Il n’est pas difficile d’en trouver. Les somnifères sont aussi utilisés à des fins de soumission chimique", détaille le docteur Pierre-Antoine Peyron, médecin légiste au CHU de Montpellier. Il appelle toutefois à être prudent sur ce phénomène. Selon lui, il faut attendre que le GHB soit bien détecté dans certaines affaires. 

 

"La soumission chimique c’est pour faire de la victime son objet"

 

L’alcool ne peut être écarté du sujet. Beaucoup de spécialistes jugent difficile de discerner un état d’ivresse d’une situation où l’on a été drogué. "Ce sont deux états qui sont à la fois proches et souvent liés. C’est là où réside la difficulté parce que souvent on a une victime qui va culpabiliser en se disant ‘C’est parce que j’ai trop bu’ et elle va être seulement dans la culpabilité et pas dans le questionnement de se dire ‘Est-ce qu’on m’a donné quelque chose ?’. Quand on a un trou noir, des absences, alors il faut avoir le réflexe de penser soumission chimique", prévient maître Caty Richard, avocate pénaliste.

 

"L’idée de la soumission chimique c’est pour en faire son objet, sa chose", poursuit l’avocate. Elle alerte sur le danger que peut représenter notre environnement proche. Maître Richard défend une victime dont le mari la droguait pour la livrer à des inconnus qui la violaient. Le seul fait de droguer une personne à son insu est une infraction pénale. Elle est une circonstance aggravante en cas d’agression sexuelle ou de viol. 

 

L'importance de faire des analyses rapidement

 

Me Caty Richard conseille de faire des analyses le plus vite possible, par le sang ou les urines. Le GHB n’est pas très facile à détecter. Il disparaît dans le sang en moins de 8 heures et des urines en 12 heures. Il est aussi possible de faire analyser une mèche de cheveux dans lesquels la substance reste plus longtemps. 

 

Pour qu’un tel drame n’arrive pas, certaines initiatives voient le jour. Des entreprises ont mis au point des sortes de couvercles pour verre en silicone. Un pis-aller car beaucoup estiment que ce ne sont pas aux femmes de se protéger mais aux agresseurs de ne pas agir ainsi. 

 

Former les organisateurs pour réduire les risques

 

L’association Consentis œuvre pour former les personnes qui organisent des fêtes, les gérants d’établissements. "On regrette le manque de formation des personnels et des usagers face aux risques liés au GHB. Il y a une énorme méconnaissance du produit, où on ne connaît pas ses effets, quelle serait la bonne réaction à avoir. C’est pour ça que notre association demande aux organisateurs de se former, de mettre en place des politiques de réduction des risques. On ne pense pas que ce soit aux femmes d’être dans la peur", insiste Mathilde Neuville.

 

Dans le mouvement "Balance ton bar", beaucoup de femmes mettent en cause des gérants de bar et boîtes de nuit, soit directement impliqués dans des agressions, soit pour l’impunité qu’il peut régner dans les établissements. Patrick Malvaës veut s’impliquer davantage. "Il y a des initiatives qu’on avait recensé comme les couvre-verres et la sensibilisation du personnel qui est la chose la plus importante. Peut-être qu’il faudra rappeler avec des messages sur les murs de faire attention aux verres. C’est une idée dont on va discuter entre nous. [...] S’il faut, on franchira un cap supplémentaire parce que c’est parfaitement intolérable, c’est inadmissible", explique le président du syndicat national des discothèques et lieux de loisirs.

 

L’association Consentis met à disposition sur son site des affiches, des tracts à distribuer pour sensibiliser sur la question des violences sexistes et sexuelles en soirée. 
 

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