Des funérailles solennelles mais sobres…et historiques. Ce matin à 9h30 place Saint-Pierre, ce sera en effet, la première fois dans l’histoire de l’Eglise qu’un pape, François, enterre son prédécesseur, le pape émérite Benoît XVI, disparu samedi à 95 ans.
Après sa renonciation surprise en 2013, Benoît XVI apparaît donc comme le pape des inédits.
Un pape assurément plus complexe qu’il n’y paraît, comme le souligne Olivier Bobineau, politologue, sociologue des religions et auteur de “L’incroyable histoire de l’Eglise en BD” (ed Les Arènes)
“Conservateur et révolutionnaire”. Ce sont les adjectifs utilisés par Olivier Bobineau pour définir le pape émérite, et ils ne sont pas antinomiques. Celui qui était né Joseph Ratzinger était tout cela à la fois.
Conservateur, d’abord. Il l’était, “ sur le plan moral et doctrinal” précise Olivier Bobineau. Il faut se rappeler que celui qui n’était alors que le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), condamnait la théologie de la libération - courant de pensée théologique chrétienne venu d’Amérique latine visant à rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus et les libérant d’intolérables conditions de vie - comme il l’écrit dans son instruction du 6 août 1984. Pour lui, la théologie de la libération “réduit l’Evangile du salut à un évangile terrestre, en recourant, d’une manière insuffisamment critique, à des concepts empruntés à divers courants de la pensée marxiste”.
Sa défense de la peine de mort, son rejet du divorce, son refus de la contraception, son opposition radicale à l’IVG, autant de positions conservatrices que ses détracteurs lui reprocheront.
Mais Benoît XVI est aussi révolutionnaire, sur le plan juridique, puisque c’est lui qui a retiré les affaires de moeurs - qui comprend donc les scandales de pédophilie”, des mains de l’Eglise. Depuis 1089, date de la fondation de la Curie Romaine, jusqu’en 2011, toute les affaires de moeurs étaient jugées par les institutions ecclésiastiques, qui ne se gênaient pas pour maintenir l’omerta.
Benoît XVI met fin en 2011 au monopole de la Curie sur la gestion des affaires de mœurs. Dans sa circulaire du 3 mai, il écrit qu’il faut “s’en remettre à la justice des États, à la justice civile”.
Mais l’acte le plus révolutionnaire du pape émérite, est bien évidemment sa renonciation, démission étant un terme impropre comme l’explique Olivier Bobineau : “une démission c’est une rupture de contrat de travail. “Renoncer”, en langage ecclésiastique, c’est abandonner un service spirituel pour retourner à une vie antérieure”.
Une vie antérieure remplie de lectures - philosophie et théologie - et de prières, qui lui manquait par-dessus tout, dont il s’était éloigné à contre-coeur, pris dans les questions stratégiques, politiques, administratives de “cet empire dans l’empire”, qu’est la Curie.
En renonçant au pontificat le 28 février 2013, Benoît XVI avait posé un acte de courage et de lucidité. Un geste qui pourrait redessiner la fonction papale, et qui pèse lourd sur les épaules du Pape François.
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