La France a annoncé vendredi 17 décembre qu’elle irait au contentieux sur le dossier des licences de pêche post-Brexit avec le Royaume-Uni. Mais un autre problème, moins médiatique, se cache derrière : la mise en place par les Britanniques de mesures techniques.
« C’est l’arbre qui cache la forêt » a lancé Eric Banel, directeur des pêches maritimes et de l’aquaculture, lors des assises de la pêche à Roscoff, en novembre. L’arbre, ce sont les licences, et la forêt, les nouvelles mesures techniques imposées de manière unilatérale par les Britanniques pour les pêcheurs européens qui vont travailler dans leurs eaux.
Car une fois la licence obtenue pour pêcher dans la bande des 6 à 12 milles nautiques, l’affaire n’est pas terminée pour les pêcheurs français ! « Tous les quinze jours, on a de nouvelles réglementations. Récemment on a eu une réglementation sur les cétacés, en nous obligeant à déclarer les captures accidentelles de cétacés aux anglais (en plus de l’UE, ndr) et une nouvelle réglementation en Irlande du Nord avec augmentation de la taille minimale des tourteaux et interdiction de débarquer des pinces de crabe », expliquait lors du même événement Yannick Calvez, patron-pêcheur d’un caseyeur hauturier à Roscoff et président du comité départemental des pêches du Finistère. « Si vous travaillez dans une zone et que vous changez de zone, à partir du moment où vous rentrez dans une zone où la taille minimale est 15 cm, tout ce que vous avez pêché avant doit être au-dessus de 15 ! »
Un casse-tête pour les pêcheurs qui, dans le doute, commencent pour certains à éviter les zones britanniques en mer celtique. A chaque fois que Jersey ou le Royaume-Uni accordent des licences de pêche, ils y annexent des pages et des pages de mesures techniques. Or le traité de séparation dit deux choses : d’abord ces mesures techniques doivent faire l’objet d’un échange et d’une coordination en amont, ce qui n’est pas fait aujourd’hui. Elles ne peuvent donc pas s’appliquer car elles n’ont pas été notifiées conformément au traité. Le traité dit aussi que ces mesures doivent être proportionnées et non-discriminatoires. Il n’est pas possible d’adopter des mesures différentes pour ses navires par rapport aux navires des Etats-tiers. Cela va faire l’objet d’un travail au sein du comité spécialisé pêche, l’une des instances prévues par l’accord, mais qui a mis, elle aussi, beaucoup de temps à se mettre en place.
La France sera attentive à ce que des mesures divergentes ne se mettent pas en place d’un côté et de l’autre. Le risque, par exemple pour la mer celtique, c’est qu’il y ait demain des mesures différentes côté britannique et côté européen. Et cela signifie concrètement que le pêcheur, selon le côté de la frontière où il sera, ne sera pas confronté aux mêmes règles. « A terme, il y aura des mesures techniques spécifiques. C’est inévitable, tant l’enjeu de souveraineté est important dans ce débat. Les Britanniques pourront donc prendre des décisions de ce type, mais pas de manière unilatérale », continue Eric Banel.
En attendant, la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture a donc demandé aux pêcheurs français de ne pas obéir à ces mesures techniques. Mais l’affaire est un peu délicate, selon Yannick Calvez : « Nous dire ça, c’est bien, mais quand vous êtes à bord d’un bateau et que vous avez la Royal Navy à côté de vous et les inspecteurs à bord… Ce n’est pas du tout la même chanson. » Un an presque jour pour jour après la signature de l’accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne, le diable n’en finit plus de se nicher dans les détails.
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