Quel avenir pour le front républicain ? En pleine crise sanitaire, à la veille des élections régionales, cette notion d’union entre partis face au Rassemblement national a-t-elle encore de l’avenir ? À un an de l’élection présidentielle, l’enjeu est très grand, mais bien différent du barrage effectué en 2002 face à Jean-Marie Le Pen. Pour analyser ce phénomène, Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF, est l’invité de la Matinale RCF.
Le barrage républicain avait donné son effet le plus spectaculaire lors de la présidentielle de 2002. Jacques Chirac, qui avait obtenu 19,88 % des voix au premier tour, l’avait emporté contre Jean-Marie Le Pen avec 82,21 % des suffrages exprimés. Mais aujourd’hui, ce front républicain s’est-il s'est fissuré ? La notion de "front républicain" a surtout perdu de son importance symbolique selon Bruno Cautrès. "Autant, le Front national de l’époque, en 2002 n’est pas totalement intégré au sein des formations politiques, mais le Rassemblement national d’aujourd’hui s’est installé dans notre vie politique comme un de ses acteurs extrêmement importants", analyse le politologue. De fait, "le front républicain comme une sorte d’opposition sacrée au Rassemblement national s’est progressivement dilué", estime-t-il.
Cette implantation dans le jeu politique français a été rendu possible en partie grâce à la stratégie de communication de Marine Le Pen qui vise à "dédiaboliser" son parti. "Elle a éliminé les aspérités du discours qui pouvaient choquer. Marine Le Pen s’était fixé comme objectif d’apparaître comme la principale opposante d’Emmanuel Macron”, affirme Bruno Cautrès. En 2017, la candidate d’extrême-droite s’était hissée au second tour de l'élection présidentielle, face à lui.
Une étude de la Fondation Jean Jaurès, un groupe de réflexion, publie ce mercredi 21 avril une étude selon laquelle Marine Le Pen pourrait gagner en 2022 grâce à plusieurs facteurs. En premier lieu, cette stratégie de dédiabolisation, "un rapprochement programmatique" entre les Républicains et le Rassemblement national mais aussi grâce à une "détestation d’Emmanuel Macron". "La France est marquée par une forme de pessimisme et de passéisme. Il faut essayer de contrer ça par une réforme institutionnelle pour redonner goût aux Français dans la politique", estime Bruno Cautrès.
Face à cette possibilité d’une victoire du Rassemblement national, la gauche semble avoir des difficultés à se mettre d'accord. Une réunion a rassemblé samedi plusieurs dirigeants de partis de gauche, du Parti socialiste (PS) à Europe Ecologie Les Verts (EELV). "L’enjeu à gauche c’est d’abord de faire émerger un corps de doctrine, un ensemble de mots-clefs autour desquels il y a accord. Si l’un d’entre eux se retrouvait qualifié au deuxième tour, l’appel à voter pour eux reposerait sur un socle de croyances politiques communes", explique le politologue.
Pour Bruno Cautrès, "la question n’est pas tant celle du front républicain que de ce qu’on fait du front républicain". Il faut tirer les conséquences selon le politologue. "Si l’on appelle des électeurs à voter pour vous, il faut que ces électeurs s’y retrouvent", conclut-il.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !