Son existence a alimenté de nombreux débats au sein de la sphère scientifique. S’agit-il d’une raie, d’un poisson ballon, d’un groupe de requin aujourd’hui disparu ? Le ptychodus, un requin préhistorique dont les premiers fossiles ont été découverts en 1729, vient de révéler sa vraie nature, grâce au travail du chercheur rennais Romain Vullo dans des carrières de calcaire au Mexique.
Mieux valait ne pas finir entre ses mâchoires surpuissantes, dotées de 500 à 600 dents, dont certaines mesuraient jusqu’à 8 cm de diamètre ! Depuis la découverte des premiers fossiles de dents en Angleterre en 1729, les requins ptychodus ont fait s’arracher les cheveux à bon nombre de scientifiques. Baptisée officiellement ptychodus en1834 par le paléoichtyologue Louis Agassiz, cette espèce restait un mystère, reconnaissable à ses dents caractéristiques, mais sans fossile complet de l'animal.
Au XVIIIe siècle, certains ont comparé les ptychodus avec des diodons ou des poissons ballons. Au XIXe siècle, plusieurs écoles les ont classés dans des groupes de requins, ou de raies, mais aucun élément n’avait jamais permis de connaître la vraie nature du trychodus. Jamais jusqu’à très récemment.
Une étude parue le 24 avril dans la revue The Royal Society, a définitivement tranché le débat. “Nous avons identifié le ptychodus comme étant un grand requin pélagique au corps fuselé, appartenant à l’ordre des lamniformes, un groupe très diversifié au Crétacé et comprenant notamment l’actuel requin blanc ou le requin pèlerin, très présent sur les côtes bretonnes”, explique Romain Vullo, paléontologue au laboratoire Géosciences Rennes.
Avec plusieurs chercheurs qui fouillent les carrières de calcaire de Vallecillo, dans le nord-est du Mexique, il a identifié entre 2018 et 2021 six fossiles, pour certains entiers, “extrêmement bien conservés par la nature de ce sol”, du jamais-vu pour cette espèce de requins.
La position et le nombre de nageoires, la taille de la tête, tous ces éléments ont permis d’enfin positionner le ptychodus dans la phylogénie, l’arbre du vivant des requins. L’analyse des fossiles a également permis de mieux connaître son alimentation et son milieu. “Sa silhouette permet de dire que c’était un requin pélagique", poursuit le paléontologue. "Il vivait en pleine mer, et non pas dans les fonds marins, comme on le supposait jusqu’à présent. Il se nourrissait donc plutôt de tortues marines ou d’ammonites."
“C’est quelque chose de singulier de trouver la réponse à une énigme paléontologique vieille de plusieurs siècles. J’ai eu de la chance d’y participer", conclut Romain Vullo. Le chercheur breton qui n’en est pas à sa première découverte. C’est déjà lui qui dirigeait l’étude ayant abouti, en 2021, toujours dans le même secteur du Mexique, à la découverte d’une nouvelle famille de requin, qu’il avait fallu baptiser Aquilolamna milarcae, ou requin aigle.
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