La chasse au xénope lisse est ouverte en Maine-et-Loire. Cette grenouille venue d’Afrique menace les amphibiens locaux. Depuis 2016, le Parc naturel régional Loire Anjou Touraine s’est donc lancé dans une lutte contre ce batracien. Elle s’inscrit dans un programme européen de lutte contre les amphibiens exotiques, baptisé Life Croaa. Il va durer six ans, jusqu’en 2022.
Après deux ans de prélèvements dans les plans d’eau pour détecter l’ADN de cette grenouille, depuis 2018, on est entré dans une phase de piégeage. En Anjou, elle concerne deux secteurs sensibles : la réserve naturelle de l'étang de Joreau, à Gennes, qui abrite une cinquantaine d’espèces de libellules, et Fontevraud, dont les plans d’eau abritent des tritons marbrés et crêtés, deux espèces protégées.
Ce mardi matin, Mathis Prioul vient relever ses nasses posées la veille dans une mare de Fontevraud. « On appâte avec des croquettes pour chiens, explique le technicien, spécialiste des amphibiens exotiques, pour attirer un maximum d’animaux, des amphibiens mais également des écrevisses ou des poissons, ce qui permet de faire un relevé complet de la faune de ce plan d’eau. »
Dans cette nasse, pas de xénope lisse mais une larve de triton crêté. « C’est une espèce peu fréquente en Maine-et-Loire, et qui est protégée au niveau européen, précise le technicien en la remettant à l’eau. On a aussi un têtard de grenouille verte, montre-t-il, une espèce beaucoup plus commune, qu’on trouve dans les plans d’eau dans les jardins. »
Autant d’espèces menacées par le xénope lisse. « Il peut transmettre des maladies comme le chytride, explique Mathis Prioul. Ce champignon peut provoquer d’importantes mortalités. Le xénope est aussi un prédateur, donc il peut se nourrir aussi bien de petits poissons que d’insectes, mais également d’œufs ou de larves de tritons. »
A terme, cette grosse grenouille plate (la femelle peut mesurer jusqu’à 13 cm) couleur vase risque de remplacer les espèces indigènes. « Le problème du xénope, c’est qu’il se reproduit énormément, même plusieurs fois par an, et donc ça crée une compétition un peu inégale avec les espèces locales. Du coup, ça peut créer, à force, une diminution du nombre d’individus, voire la disparition d’espèces dans un plan d’eau. » Dans les Deux-Sèvres, la moitié des espèces d’un plan d’eau ont ainsi disparu.
Depuis 2018, Mathis Prioul installe ses nasses dans une vingtaine de plans d’eaux de Fontevraud. L’année dernière, il a trouvé une cinquantaine de xénopes lisses, tous dans le même plan d’eau, dans le camp militaire. « Cette année, c’est beaucoup plus calme, constate le technicien. On suppose que c’est à cause du printemps, qui a été assez froid, mais on a capturé moins d’une dizaine d’individus. Donc pour l’instant, la population est relativement petite, mais il faudrait voir qu’elle ne s’étende pas trop, et que surtout elle n’augmente pas trop son nombre d’individus. »
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Cette année, il a retrouvé des xénopes lisses dans un deuxième plan d’eau du camp. « Ça veut dire que le xénope continue à coloniser de nouveaux plans d’eau, s’inquiète le technicien. Ils ont beaucoup profiter des fortes pluies de fin mai-début juin pour se déplacer en suivant les fossés. Ils peuvent faire plusieurs centaines de mètres en une nuit, on doit donc rester vigilants. » Des xénopes lisses ont suivi des cours d’eau comme le Thouet et le Layon. Ils ont même descendu la Loire : on en trouve aujourd’hui jusqu’à Nantes.
Mais au fait, comment cette grenouille d’Afrique australe est-elle arrivée là ? « Ils ont été importés en France à partir des années 1930 pour des tests de grossesse, raconte Mathis Prioul. On prenait de l’urine d’une femme qui souhaitait savoir si elle était enceinte, on l’injectait sous la peau d’une femelle xénope, et si elle pondait dans les 48 heures, ça voulait dire que la femme était enceinte. » Ces grenouilles ont ensuite servi de cobayes pour la recherche en laboratoire. On a commencé à en retrouver dans la nature à la fin des années 1980, juste après la fermeture d'un centre d'élevage d’animaux pour le CNRS, à Bouillé-Saint-Paul, dans les Deux-Sèvres, à 40 km de Fontevraud.
Pour le moment, par contre, il n’y a pas trace de xénope lisse dans la réserve de Joreau. La campagne de piégeage de ces batraciens va se poursuivre en Anjou jusqu’en 2021. Les résultats de l’étude serviront à lutter contre cet amphibien dans d’autres coins de France, puisqu’on a retrouvé des xénopes lisses dans la nature du côté de Lille, en 2018, et de Toulouse, en 2019.
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