Plus de 70 ans après la parution de "La France, pays de mission ?", Christoph Theobald publie "Urgences pastorales". Un ouvrage fondamental sur la situation de l'Église de France.
Plus de 70 ans après "La France, pays de mission ?", le livre de Christoph Theobald apparaît comme fondamental. "Urgences pastorales" (éd. Bayard) est un ouvrage important, par sa taille - plus de 500 pages, mais aussi par sa portée et la densité du propos. Le théologien dresse un constat sur la situation de l'Église en France et puise au cœur des Écritures saintes, notament l'Évangile de Luc, des pistes pour "passer d'une pastorale de reproduction, vers une pastorale missionnaire".
"Urgences pastorales" a pour "point de départ sociologique" un catholicisme d'exculturation, selon la formule de Danièle Hervieu-Léger (2003) pour désigner un écart d'ordre culturel entre les catholiques et le reste de la société. Aujourd'hui en France tout se passe comme si les catholiques vivaient leur foi "d'une manière distincte de la mission". Ce qui se comprend en un sens, quand on mesure combien les termes "évangélisation" et "mission" sont "discrédités" et confondus avec prosélytisme.
L'ouvrage prend aussi en compte les églises qui se vident et questionne le découpage des paroisses et leurs territoires. Il observe également une autre tendance du catholicisme, proche d'un "militantisme", où la "conception de la mission est presque militaire", selon Christoph Theobald, en tout cas "stratégique" et "en contradiction avec l'Évangile". Deux tendances, deux réactions, dans un monde où "il n'y a plus de protection pour notre foi chrétienne". Or, dans l'Évangile de Luc justement, il est montré combien est nécessaire le fait de "s'asseoir" et de prendre le temps de poser un diagnostic, que le théologien souhaitera "sans œillères".
"Sans œillères" puisque "catholique" signifie universel et que le message du Christ réside dans la gratuité de l'intérêt qu'il a manifesté tous ceux qu'il a rencontrés. Le livre de Christoph Theobald fourmille d'idées et de propositions. Retenons parmi elles deux souhaits formulés pour l'Église d'aujourd'hui : "une hospitalité universelle" et un "intérêt désintéressé pour les hommes et les femmes d'aujourd'hui". L'enjeu pour aujourd'hui est d'importance, vu le sort des migrants aux portes de l'Europe. "La notion d'hospitalité est tout à fait centrale", elle "nous vient de la tradition biblique", rappelle le théologien. "Jésus le Christ a été vraiment l'être hospitalier par excellence."
Il n'y a aucune idée stratégique derrière la mission de Jésus en Galilée. Ce qui fait dire à Christoph Theobald que l'Église a besoin "d'espaces intermédiaires où nous pouvons rencontrer les gens pour ce qu'ils sont". Où pourra s'exercer "un intérêt gratuit pour les êtres qui nous entourent". Ne serait-ce qu'au nom de cette "foi élémentaire", qui revient souvent dans "Urgences pastorales".
Le théologien critique cette façon que nous avons, "nous chrétiens", d'opposer les croyants aux incroyants, ce qui "nous empêche de voir que ces autres qui sont très multiples affrontent les mêmes questions élémentaires que nous". La "foi élémentaire" désigne au fond "ce qui anime de l'intérieur cette existence humaine". Quand Jésus dit à des hommes ou des femmes qui ne deviennent pas chrétiens, "c'est ta foi qui t'a sauvé" il rejoint en cette personne cette foi élémentaire, explique le théologien.
Une foi en la vie qui peut s'exprimer à travers des gestes chrétiens, mais pas nécessairement une foi en Jésus confessé comme Christ. Dès lors, nous dit l'auteur de "Urgences pastorales", la moisson est déjà abondante. Le spécialiste de Vatican II, fortement marqué par l'ouvrage "La France, pays de mission ?" (1943), considère que même si les réalités ecclésiales ont bien changé en France depuis les années 40, l'"idée de proximité d'évangélisation" est toujours pertinente aujourd'hui - cette "conversation spirituelle quotidienne" qui se joue dans la rencontre. L'Église a besoin d'une "vision globale" qui doit "s'incarner dans les plus petites communautés".
Jésuite français de nationalité allemande, le Père Christoph Theobald a été ordonné prêtre par le cardinal Jean-Marie Lustiger à l'église Saint-Ignace en 1982. Ce théologien catholique, spécialiste de Vatican II, enseigne depuis 1980 au Centre Sèvres à Paris et assure la mission de rédacteur en chef de la revue RSR – recherche de Science Religieuse. Il est l'auteur de nombreux ouvrages.
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