Conjugal a cette particularité d’être un adjectif qui n’a pas donné de nom, on dira mon conjoint, ma conjointe, mais bien sûr pas mon « conjugal ». Et du coup il a un sens assez précis, presque juridique et parfois même un peu cru.
On atteste de sa présence en 1282 en tant que reprise de l’adjectif latin conjugalis, construit sur le mot conjux, désignant l’époux, l’épouse. On y retrouve le préfixe con, ensemble, et la racine indoeuropéenne jou désignant un attelage repris dans le joug, la conjugaison. Conjux se situe en fait à côté du latin familier uxor, l’épouse conjux étant le terme noble pour désigner le conjoint. Uxor avait donné en ancien français ussour, mais le mot épouse l’emporterait. Cependant, uxor a repris du service il y a peu avec les ethnologues qui ont inventé le mot uxorilocal, pour désigner un type d’habitat des couples, l’habitat uxorilocal étant celui d’un couple se logeant près des parents de l’épouse, l’inverse étant l’habitat virilocal, quand le couple s’installe près des parents du mari.
Êtes-vous uxorilocal ou virilocal ? Alors pour revenir au mot conjugal, il s’est d’abord développé dans un contexte juridique le lien conjugal, avec sa dissolution possible par la loi, ensuite géographique avec le domicile conjugal. Puis viennent les sentiments : l’amour conjugal mais aussi les disputes conjugales, et hélas les violences conjugales. Enfin, depuis le Moyen Âge est aussi évoqué le devoir conjugal, pudiquement défini par le CNRS comme l’« obligation réciproque pour les époux de ne pas se refuser l’un à l’autre ». L’abbé Furetière n’hésitait pas à le signaler : « Les maris et femmes se doivent également garder la foi conjugale, ils sont tenus à se rendre le devoir conjugal ». Enfin, le mot « conjugal » a aussi fait parler les grammairiens…
Le grammairien Laveau signale en 1846 que les dictionnaires ne signalent pas le pluriel pourtant tout à fait possible. À Maupassant dans un de ses contes d’évoquer alors « le père Savon » ayant épuisé sur lui « la série de plaisanteries inconvenantes sur ses malheurs conjugaux ». Eh bien préférons d’emblée l’inverse, toujours au pluriel avec les bonheurs conjugaux. Par exemple je cueille les pommes et mon épouse concocte pour midi la tarte aux pommes du siècle.
Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot !
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