Voilà un mot qui est à la fois inquiétant et rassurant. D’un côté, on comprend bien qu’il est fait pour protéger de quelque chose mais de l’autre il signale bien sûr un danger. Et en ce moment, il laisse aussi espérer qu’il ne sera pas suivi par une mesure aggravée, le confinement. L’histoire de ce mot, couvre-feu est en vérité d’évoluer en s’associant à la pandémie.
Le mieux est sans doute d’en appeler à la définition du Dictionnaire de l’Académie française, gratuit sur Internet, et qui offre trois définitions successives : une première avec le sens ancien du mot, une deuxième consacrée à son sens militaire, et la troisième dévolue à la mesure de police, qui nous concerne donc et qui est ainsi libellée : "Mesure de police qui interdit de sortir de chez soi entre telle et telle heure."
On pourrait presque croire que l’Académie a anticipé, avec l’exemple donné : "Le couvre-feu sera en vigueur entre neuf heures du soir et six heures du matin". Et bien sûr sont ajoutés les emplois : "Décréter le couvre-feu. Lever le couvre-feu". Ce qu’il faut retenir tout d’abord c’est qu’en son sens ancien le couvre-feu correspondait au coup de cloche qui marquait l’heure de rentrer chez soi et d’éteindre tous feux, toute lumière. On a souvent dit que Guillaume le Conquérant fut le premier à l’instaurer, en 1068, dans le but d’empêcher toute rébellion mais les fréquents incendies des habitations en bois. En fait cette mesure existait déjà en Europe.
Il a été généralisé par la Wehrmacht dans les territoires occupés, en entrant en vigueur dès le 14 juin 1940, de 20 heures à 6 heures, sans être cependant imposé continument jusqu’à la Libération de Paris. Et on se souvient tous du film "La Traversée de Paris", de 1956, avec Bourvil et Gabin. En définitive, le seul couvre-feu agréable est celui décrit par Richelet en 1680. Morceau de fer, ou de cuivre jaune, ou rouge, haut d’un pied et demi, et large de deux, ou un peu plus, que le chaudronnier forme en voûte qu’on met devant le feu lorsque la viande est à la broche. Ah, en voilà un couvre-feu rassurant !
Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot !
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