C'est une proposition qui est apparue vendredi dernier dans une tribune parue dans le journal Le Monde. Les économistes plaident pour une annulation d’une partie de la dette publique détenue par la Banque centrale européenne (BCE). Cette dette publique s’élève en France à 120% du produit intérieur brut (PIB). L’objectif affiché est donc de donner une marge de manœuvre à l’État pour relancer l’économie. "Il s’agit de trouver les moyens économiques dans cette crise exceptionnelle. On entend déjà qu’après le 'quoi qu’il en coûte' il va être temps de rembourser la dette, ça veut dire baisse des dépenses et politique d'austérité", explique Aurore Lalucq, l’une des signataires, eurodéputée écologiste et économiste.
Avec cette proposition, le collectif d’économistes affiche un objectif : que la Banque centrale européenne efface l’ardoise de la dette à condition que les États membres de l’Union européenne s’engagent dans des investissements plus verts. "Il y a peut-être quelque chose d’historique à faire. On a besoin d’investir considérablement pour reconstruire un système économique différent capable de prendre en compte les contraintes environnementales", précise Marc Pourroy, économiste et signataire de la tribune.
Dimanche, dans les colonnes du Journal du Dimanche, Christine Lagarde, la dirigeante de la BCE, a jugé "inenvisageable" cette annulation de la dette. Selon elle, elle violerait le traité de Lisbonne qui interdit à la BCE de prêter de l’argent aux États. "Le traité européen interdit le financement monétaire des États européens", renchérit Pascale Joannin, directrice de la Fondation Robert Schuman, un groupe de réflexion pro-européen.
Mais il y a une distinction pointée par le collectif d'économistes : il ne s’agit pas d’un financement nouveau, mais bien d’une annulation. "Nous ne sommes pas dans une situation de financement monétaire des États puisque le financement a déjà eu lieu. La BCE, si elle procède à un abandon des créances, ne rajoute pas de financement aux États", affirme Nicolas Dufrêne, lui aussi signataire de la tribune, économiste et directeur du groupe de réflexion de gauche l’Institut Rousseau.
Selon les économistes qui font cette proposition, cela n’aurait pas de conséquences car cela concerne uniquement les dettes publiques détenues par la BCE et non la dette privée détenue par les banques. Cela serait même positif pour les citoyens : "Leur État serait moins endetté, mettrait en place des grands plans de relance qui ferait plus d'activité et de revenu", assure Nicolas Dufrêne.
Mais les opposants à cette décision y voient un risque pour l’économie européenne et même une crise de l’euro. "Si vous dites 'j’annule la dette', c’est l’assurance que vous allez avoir un problème de crédibilité. Il faut avoir confiance. Sinon, vous n'achetez plus de titre de l’État", explique Pascale Joannin. À cet argument, les économistes répondent qu’il n’y a pas de risque. La BCE ne doit d’argent à personne, peut recréer de la monnaie à l’infini et ne peut donc pas être à court d’argent.
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