La campagne massive de dépistage lancée par le ministère de l'Éducation a débuté dans la zone A dès le 22 février et s'est étendue lundi à la zone C au retour des vacances. Des tests pour permettre de garder les écoles ouvertes qui ont été autorisés par la Haute autorité de Santé le 11 février. Mais depuis, c’est un peu comme les vaccins : la campagne de dépistage peine à se mettre réellement en place.
Jean-Michel Blanquer a d’abord promis 300.000 tests par semaine d’ici mi-mars avant de repousser à fin mars. Mais dans les faits, en 48 heures, moins de 10.000 tests ont été réalisés à l’échelle nationale. Et pour cause : les infirmières et médecins de l'Éducation nationale censés assurer ces tests sont déjà pris par la mise en place des tests antigéniques dans les collèges et lycées. "On a eu vent par les médias d’un développement de cette campagne de tests salivaires et à l’heure qu’il est nous n’avons pas la moindre information. Nous n’arrivons pas à comprendre la stratégie du gouvernement", regrette Karim Bacha, directeur d’une école élémentaire en Seine-Saint-Denis.
De nombreux enseignants redoutent aujourd’hui de devoir réaliser eux-mêmes les tests. Car si ces tests salivaires ont beaucoup d’avantages pour les enfants comme le fait de ne pas être douloureux comme les PCR par voie nasale, ils sont en revanche plus contraignants d’un point de vue biologique. L'échantillon salivaire doit notamment être prélevé "plus de 30 minutes après la dernière prise de boisson ou d'aliment". Le crachat doit être d'un volume suffisant et surtout il doit être apporté au laboratoire dans les "cinq heures" pour être ensuite analysé dans les 24 heures.
Même si Jean-Michel Blanquer assure que les enseignants n’auront pas à pratiquer d’acte médical, les syndicats enseignants font un autre constat. "Comme d’habitude, le ministère n’a rien anticipé. Ils ont donné l’ordre de faire des tests salivaires. En tant qu’enseignant, c’est pas dans nos missions de faire passer ces tests salivaires", affirme Guislaine David, co-secrétaire générale du syndicat du premier degré le Snu-ipp Fsu.
Cette question des tests salivaires qui n’arrivent pas assez vite relance plus largement le débat sur le risque de contamination du virus à l’école. Tout d’abord car le protocole sanitaire à l’école est un protocole dit "dérogatoire" qui ne protège pas toujours les enseignants de la même manière que le reste de la population. Et ce protocole inquiète notamment face aux variants britanniques et sud-africain. "Actuellement, il faut trois cas de variants britanniques pour qu’une classe soit fermée. Dans tous les cas, les enseignants ne sont pas considérés comme cas contacts", explique Guislaine David.
Au-delà du protocole, ce qui a relancé le débat c’est cet éditorial publié dans le British Medical Journal par l’épidémiologiste à l’Institut Pasteur Arnaud Fontanet, qui est aussi membre du Conseil scientifique. Le texte a été cité par le ministre de l’Éducation lui même puisqu’il assure que les écoles ne jouent pas un rôle d’amplificateur de l’épidémie.
Pour autant, les salles de classe restent bien des lieux de transmission du virus comme les autres. "Pour un épidémiologiste, la crainte c’est qu’on ait un schéma comme la grippe où les enfants transmettent plus. Si on a une incidence forte dans la société, on a un incidence forte à l’école", assure Mélanie Heard, enseignante-chercheuse en science politique spécialisée en politiques publiques de santé.
Dans une tribune co-signée avec l’ancien directeur de Santé publique France, François Bourdillon, la chercheuse va alors jusqu’à parler d’un "déni" français concernant le risque de contamination à l’école. Pour eux si le choix du gouvernement est de garder les écoles ouvertes, il devrait s’accompagner d’une politique de prévention beaucoup plus vaste. En matière de tests salivaires, mais pas seulement. "Cela implique un chantier de surveillance, avec des dépistages systématiques. Après il y a la question de prévention, le soutien à l’isolement des cas contacts avérés", précise Mélanie Heard.
La France fait partie des rares pays en Europe à ne vouloir fermer les écoles qu’en dernier recours. Depuis mars 2020, la France a fermé ses classes complètement ou partiellement pendant 10 semaines contre 30 en Italie, 26 au Royaume-Uni ou 24 en Allemagne. Ailleurs, certains pays ont réussi quant à eux à tenir leurs promesses de vaccination, comme au Chili où les enseignants font partie des publics prioritaires actuellement en train d’être vaccinés.
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