Comment expliquer la pandémie de Covid-19 ? Quelles conséquences aura-t-elle sur notre mode de vie ? Frédéric Keck est anthropologue chargé de recherche au CNRS. Une discipline qui permet d'observer l’urgence de la crise sanitaire sur le temps long.
"Des épidémies il y en a régulièrement mais c’est seulement depuis une trentaine d'années que nous nous préparons à une pandémie", assure Frédéric Keck. Une pandémie se différencie de l’épidémie car elle se propage "sur au moins trois continents", explique l’anthropologue, s’appuyant sur la définition de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). "C’est aussi la menace d’une possible extinction de l’espèce humaine. C’est l’idée que l’humanité est tellement interconnectée qu’elle est devenue très vulnérable aux autres espèces."
C’est justement notre relation aux espèces animales qu’interroge la pandémie puisque le pangolin et la chauve-souris sont à l'origine du virus. "On avait considéré que les animaux étaient domestiqués. On a pu interpréter l’émergence de ces maladies infectieuses comme un signe que la nature se vengeait sur notre tentative de contrôle d’elles", affirme Frédéric Keck.
Paradoxalement, le foyer du Covid-19 est la ville de Wuhan, là où un laboratoire P4 est installé pour étudier les virus les plus dangereux, qui émergent des chauve-souris et des oiseaux. On ne sait toutefois pas si cette coïncidence est fortuite.
Mais la pandémie fera-t-elle de Wuhan une sentinelle, un territoire aux avant-postes pour lutter contre les virus ? C’est ce que souhaite en tout cas le gouvernement chinois. "Mais des maladies peuvent échapper au contrôle des virologues", tempère Frédéric Keck.
Si "on n’est pas passé d’un monde à un autre", l’anthropologue l’assure : "nos modes de vie ont été profondément bouleversés". "Peut-être que cette pandémie marquera le XXIè siècle" autant que la grippe espagnole a pu marquer le XXè.
Cette pandémie remet en question notre mode de vie, nos interconnexions, les circuits longs qui baissent les prix, l’impact de l’humanité sur les espaces sauvages selon Frédéric Keck. "Sans passer par l’imaginaire de la chauve-souris et la vengeance des animaux, chacun voit bien que c’est la relation à la nature qui est bouleversé", conclut l'anthropologue.
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